Afin de dresser le bilan de l’année écoulée et de se projeter dans celles à venir, la MSA Ardèche Drôme Loire a tenu son assemblée générale ce mardi 9 avril. L’occasion pour le président de la caisse, Henry Jouve, de mobiliser ses troupes autour d’un projet commun et de redéfinir le cœur de l’action de l’organisme de protection sociale : le mutualisme.

Le mutualisme, cœur battant de la MSA
Henry Jouve, président de la caisse MSA Ardèche Drôme Loire, mobilise ses troupes.

C’est sous une pluie battante, mais dans une ambiance très scolaire que les membres présents à l’assemblée générale de la MSA Ardèche Drôme Loire ont pris place dans le grand amphithéâtre du lycée de Chervé à Perreux. Les pupitres en bois ont rappelé quelques souvenirs… « J’ai l’impression d’être de retour à l’école », souffle une déléguée avec un grand sourire. Henry Jouve, président de la caisse Ardèche Drôme Loire, en véritable Monsieur Loyal, prend le micro le premier, au milieu d’une scène richement décorée en fleurs et bottes de paille. Si les remerciements sont de rigueur pour tous, il avertit que les bus venus des départements voisins seront en retard à cause de la pluie.

Un modèle de protection unique

Patrick Ducros, adjoint en charge de l’agriculture pour la ville de Perreux, se félicite de la tenue de cette assemblée. « Nous sommes une commune rurale, à la porte de Roanne. Nous comptons une quarantaine d’agriculteurs ou de personnes affiliées à l’agriculture sur le territoire. Aussi, nous avons tout intérêt à avoir une antenne de la MSA et de la Chambre d’agriculture sur notre village. Ces organismes sont à notre écoute et apportent des services indispensables aux agriculteurs qui traversent une période difficile. La MSA fait partie de ces acteurs qui aident à les surmonter. »

Dans l’amphithéâtre couvert de bois, les applaudissements résonnent un moment. Raymond Vial, président de la Chambre d’agriculture et du lycée de Chervé, rappelle alors l’histoire de l’établissement, soulignant sa structure « typiquement roannaise », avec son troupeau de charolais et son atelier porcin. L’occasion pour Henry Jouve de rebondir : « C’est important que les membres ici présents comprennent la place et le poids de la formation agricole. On y tient beaucoup. »

Animateur de cette matinée, il propose alors de lancer une vidéo d’Anne-Laure Torrésin, directrice générale de la caisse centrale. Une première pour une femme (lire par ailleurs). Si le multimédia ne se plie pas toujours aux exigences de la ponctualité, il finit par y répondre. L’ambiance est bon enfant, mais tous sont attentifs aux propos de la directrice. « Nous avons la chance d’avoir un modèle de protection unique, par la place centrale de ses élus et son guichet. Nous avons un régime solide puisque nous avons été au rendez-vous des réformes sociales. Nous accompagnons les crises agricoles sur le territoire. N’oublions pas que le secteur a des besoins qui lui sont propres et donc un modèle de protection sociale spécifique : la MSA. » Le ton de l’assemblée est donné : le mutualisme en sera le coeur. Après l’approbation du procès verbal de la dernière cession, le 6 avril 2023, Henry Jouve cède son micro à François Donnay, directeur de la caisse Ardèche Drôme Loire. Il choisit de concentrer sa prise de parole sur les cotisations. « On nous a beaucoup demandé à quoi elles servaient », explique-t-il avant de lister les raisons de les payer : accidents de la
vie, du travail, pour la famille, la retraite (lire par ailleurs)… « Quand on regarde l’ensemble, on voit que pour les non-salariés agricoles, un euro cotisé, c’est quatre euros de prestations. Si on ne prend pas en compte la CSG (Contribution sociale généralisée), c’est même cinq euros de prestation. Pour les salariés agricoles, c’est un euro de versé pour 1,30 euro de services, deux si on exclut la CSG. Dans les régimes assurantiels classiques, ça ne marche pas comme ça. »

Pour montrer l’ancrage sur les départements, la MSA peut compter sur 409 salariés au contact des adhérents répartis sur quinze agences et trois sites de production à Privas (Ardèche), Saint-Priet-en-Jarez (Loire) et Valence (Drôme). « Nous allons lancer un nouveau maillage du territoire, avec un pilote en Loire nord. Nous allons prochainement ouvrir un comité pour inviter les élus et partager les actions que nous pouvons mener de façon à redonner du sens à leur rôle et de construire une vraie vie sur le territoire. Nous voulons que ce soit un lieu d’expression de la qualité. »

Proximité

Si le mutualisme est le coeur de la MSA, la proximité est sa force. Aussi, l’organisme de protection sociale a multiplié les rendez-vous thématiques avec ses adhérents, notamment sur les retraites. « Nous avons aussi des entretiens avec les plus précaires, mais pas que, pour nous assurer qu’ils ont bien ouvert tous leurs droits. Pour deux rendez-vous réalisés, c’est un droit ouvert. »

François Donnay se félicite ensuite du taux de réponse des équipes. « 70 % des relations de la MSA se font au téléphone et 16 % par mail. Il faut que la qualité de ces échanges reste notre priorité », avertit-il. Pour le directeur de la caisse régionale, la proximité s’exprime également auprès des aînés. « Nous sommes sans doute la caisse la plus dynamique dans la création de Maisons d’accueil et de résidences pour l’autonomie (Marpa) puisque nous en comptons neuf sur le territoire. Une autre devrait d’ailleurs bientôt ouvrir ses portes dans la Loire. »
François Donnay ne tait pas les difficultés rencontrées et note un « incident majeur » dans le versement de certaines indemnités journalières. Si ce chiffre n’est pas significatif du travail fourni par les équipes, pour le directeur de la caisse régionale, « les délais de traitement sont inacceptables ». L’indice de satisfaction recueilli par un institut de sondage tous les deux ans montre que, s’il a progressé de 7 %, les disparités sont fortes : les retraités et les salariés sont « fortement satisfaits » de la MSA tandis que pour les employeurs et les non-salariés agricoles, « des progrès restent à faire », assure-t-il. Une enquête interne devrait être diligentée pour connaître les points à améliorer.

Alexandra Pacrot

2023 / Les faits marquants

• La réforme des retraites a été de grande ampleur et caractérisée par un calendrier très serré puisque le décret a été publié en juin puis en août pour une application en septembre. « Nous avons relevé un certain nombre de défis : se former, accompagner et maintenir l’activité quotidienne du service », relève Christel Buch, du service retraite, qui présente ce dossier. Une cellule de départ anticipée a été montée pour faire face aux nombreuses demandes.

• Déploiement du plan mal-être : plus de 1 000 actions individuelles de terrain ont été menées, soit auprès de 7 % des exploitants du territoire Ardèche Drôme Loire. « Nous voulons prévenir du mal-être et du risque suicidaire en menant un accompagnement conséquent et global, en lien avec les Chambres d’agriculture », note François Donnay. Ainsi, la MSA a travaillé de concert avec le service Santé et sécurité au travail mais aussi des psychologues et infirmiers spécialisés. 36 situations avec un risque suicidaire élevé ont été suivies. 2023 a aussi été l’année de la structuration du réseau Sentinelle sur les trois départements : 250 d’entre elles sont présentes dans la Loire dont 96 formées l’an passé. Le 13 juin, une journée de rassemblement aura lieu dans le département.

• Journée équine à Roanne : la filière équine est la deuxième filière la plus accidentogène du secteur agricole et chaque accident coûte 9 000 euros. D’où l’importance d’une journée de prévention, axée sur la préparation mentale et physique du cavalier, afin de faire comprendre que la préparation de l’homme est tout aussi importante que celle du cheval.

RAPPORT MUTUALISTE

Être élu à la MSA, qu’est-ce que cela veut dire ?

Alors que se profilent les futures élections, l’assemblée générale est l’occasion pour Jean-Clément Mucchielli, premier vice-président de la caisse Ardèche Drôme Loire, de dresser un bilan du mutualisme en fin de mandature.

Cette question, posée en substance à l’assemblée, l’a aussi été à des adhérents MSA sur un marché de la Drôme. Le micro-trottoir, présenté sous forme de vidéo, a permis aux personnes présentes dans la salle de se rendre compte que nombreux sont ceux qui ne saisissent pas le rôle des élus. Ainsi, les réponses oscillent entre un très lapidaire « Je ne sais pas » et un plus posé « J’imagine que c’est pour faire remonter les besoins des agriculteurs de la région ? » De ces brèves interviews, il ressort un vrai manque de dialogue avec les élus.

Jean-François Fruttero, tout nouveau président de la caisse centrale MSA, élu début avril, mobilise ses troupes : « Nous avons besoin d’être forts et attentifs sur le service rendu à nos adhérents qui doit être la seule boussole qui nous anime. Nous devons garder cette vision stratégique de la qualité de service. »

Le sens même du réseau

Jean-Clément Mucchielli, premier vice-président de la caisse Ardèche Drôme Loire, s’avance ensuite. Si son discours débute sur la place des femmes dans l’agriculture, thème de la table ronde de cette assemblée générale (lire par ailleurs), il en vient rapidement à aborder la question du mutualisme. « Dans notre monde agricole, il faut cesser de s’opposer les uns aux autres et de trouver des solutions. » Il illustre ses propos en citant le livre de l’ancien ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie : Vivre sans détester. « Nous aimons le pain, moins les céréaliers. Nous adorons manger, mais nous accordons de moins en moins de temps à notre alimentation. Quand on voit les logos MSA abîmés par les paysans, on se demande ce que nous avons raté. Pourquoi se retourner contre sa propre maison ? Dans ce déficit d’information, les torts sont souvent partagés et il va falloir écouter davantage. Nos élus doivent y prendre part. »

Un discours qui fait écho à celui du président de la caisse centrale. « Nous relevons le défi de porter cette ambition mutualiste, lance-t-il. Les délégués sont le sens même du réseau sans qui nous ne serions pas cette caisse dont on nous envie le modèle. Il est important de faire remonter les attentes du territoire et charge à nous de les passer au crible pour qu’elles soient reprises et portées pour le bien-être de nos populations. » Le président se place en défenseur de la MSA comme Organisation professionnelle agricole (OPA). « C’est ce qui fait notre différence et qui permettra de faire valoir les ambitions qui sont les nôtres. »

A. P.

Table ronde
La partie statutaire était suivie d’une table ronde sur la place des femmes en agriculture.
TABLE RONDE

"Vous n’auriez pas posé cette question à un homme"

Cette année, la MSA Ardèche Drôme Loire a fait le choix de parler de la place des femmes dans l’agriculture. Ainsi, une table ronde, divisée en deux sessions, a permis de donner la parole à celles qui ont été trop longtemps invisibilisées.

Pour ouvrir la table ronde consacrée à la place des femmes dans l’agriculture, c’est l’ancienne présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, qui prend la parole lors d’une interview vidéo. « J’ai d’abord milité pour défendre l’agriculture et les femmes se sont retrouvées dans ce combat », défend celle qui fut numéro 1 du premier syndicat agricole de France. Elle raconte les railleries des copains d’école alors qu’elle avait huit ans et son sentiment d’injustice. « Ma maman écrivait toujours “sans profession” et ce n’était pas la réalité face au travail qu’elle tombait. »

Christiane Lambert ajoute : « Plus que mon slogan, c’est par mon action que j’ai défendu les femmes. Le fait d’avoir été à la tête de la FNSEA nous a rendues visible, cela nous a ouvert les portes des journaux où nous l’étions moins. J’ai souvent dit à mon prédécesseur, Christian Jacob : “J’ai fait la Une de Elle mais tu n’as jamais fait celle de Lui”. » L’image amène des sourires sur les visages dans la salle.

Selon le baromètre qu’a établi la MSA, un actif agricole sur trois est une femme. Et pourtant, leur statut n’existe pas depuis si longtemps. Claudine Chirouze, installée dans la Drôme, a été des premières à le revendiquer. En 1981, elle travaille dans l’ombre de son époux. Avant de le rejoindre sur l’exploitation, elle exerçait une activité professionnelle hors-cadre agricole. « Et là, je me suis retrouvée sans carte Vitale, raconte-t-elle. A la MSA, on me connaissait à peine. Je n’ai pas eu de congé maternité quand ma seconde fille est née… » Elle attendra 1985 que la loi permettant la création d’une Earl entre époux soit votée. « Je me suis installée en 1989, quand mon beau-père a pris sa retraite. » Son engagement à la MSA vient des injustices constatées des décennies auparavant. Fille d’agriculteurs, elle a vu sa mère devoir attendre la signature de son père pour l’administratif. « Je n’avais pas envie de faire pareil, martèle cette exploitante retraitée. Je ne veux pas être derrière mon mari, je peux être à côté. »

Fille d’agriculteurs elle aussi, Marie-Hélène Méret est la sixième génération à travailler sur les terres familiales à Comelle-Vernay (Loire). Autrefois ingénieure en industrie agroalimentaire, elle a fait le choix de renouer avec ses racines. « Quand j’étais jeune, mes parents ne nous ont pas incitées à reprendre l’exploitation avec ma soeur, relate-t-elle. C’est pourtant ce qu’elle fait, l’adaptant à ses envies : plus de vaches pour ne pas « être esclave de son troupeau », mais de la cueillette sauvage, des fruits et des légumes… La fondatrice de l’entreprise Saveurs Sauvages a aussi accompagné sa mère en tant qu’aidante. « Elle s’est occupée de moi assez longtemps pour que je prenne le relais quand elle a eu des problèmes de santé. Quand elle a perdu sa motricité, ça a été plus difficile, il fallait continuer de gérer la production à côté du quotidien. »

« En tant que femme, on se restreint »

Sophie Douillon, installée en 2021, a connu moins d’écueils pour se lancer que Claudine Chirouze. Mais pour elle, « en tant que femmes, on se restreint, on s’autorise moins de domaines agricoles comme la mécanique ». Elle tique lorsque l’animateur de la table ronde lui demande comment elle arrive à concilier sa vie pro et son travail. « Ce n’est pas une question que vous poseriez à un jeune agriculteur, rétorque-t-elle vertement. Vous ne lui demanderiez pas comment il concilierait sa vie de papa avec sa vie pro. » Touché. Et elle déclenche un tollé d’applaudissements. La tension retombe aussi vite qu’elle s’est installée. Sophie Douillon reprend : « Je pense qu’il faut changer de point de vue. Quand on est entrepreneure, on nous demande toujours comment on va faire avec les enfants… » Dans les gradins de l’amphithéâtre, une agricultrice retraitée lâche : « On les laisse au mari… »

La question des enfants a été centrale pour Laure Chalendard, productrice d’oeufs et éleveuse d’ovins à Rive-de-Gier depuis 2019. « J’ai un parcours agricole tout à fait classique, j’avais fait tout ce qu’il fallait, mais j’étais une femme. » Alors qu’elle démarre le parcours installation, elle tombe enceinte et décide de cacher son état : « Il était hors de question que je sois mise au placard à cause de ma grossesse ! » L’agricultrice avait fait le choix de travailler avec une coopérative pour les poules pondeuses. En décembre 2018, elle arrive au terme de sa grossesse et doit rencontrer au même moment ses futurs collaborateurs. « Je les ai appelés. Avec ce coup de fil, j’ai rompu tous nos contacts, ils n’ont jamais donné suite. »
L’exploitante est aussi à l’origine d’un mouvement sur Instagram le #metooagricole. Lors de la table ronde, elle livre le témoignage de deux stagiaires : le maître de stage de la première n’a eu de cesse de l’appeler « poupée » et de lui faire faire la vaisselle ; la seconde, âgée de 15 ans, a été victime d’une agression sexuelle. « Ce compte, c’est un peu un constat d’échec. Dans les lycées, on est presque à la parité. À l’installation, on a perdu de nombreuses femmes en cours de route. Les femmes font partie du renouvellement des générations et on les fait fuir avec ces comportements immondes. »

A. P.

REPÈRES 2023 / La MSA Ardèche Drôme Loire en chiffres

• Typologie des actifs agricoles : 60 034 salariés, 14 011 exploitants, 5 974 employeurs et 30 855 saisonniers.

• Santé : 93 738 bénéficiaires dont 7 027 pour des indemnités journalières maladie et 6 769 pour la Complémentaire santé solidaire.

• Famille : Pour les prestations sociales, ce sont 6 449 aides au logement, 1 697 RSA, 8 777 primes d’activité avec des montants variant de 191 € pour les salariés agricoles à 241 € pour les non salariés agricoles.

• Retraite : La MSA verse 63 076 retraites pour les salariés agricoles et 40 598 pour les non salariés, soit un total de 103 614 bénéficiaires d’un avantage de retraite de base. 88 % sont notifiés avant la date d’effet.

• 702, 6 millions d’euros de prestations versées : 46 % à destination des salariés et 54 % pour les non salariés.

• 350, 4 millions d’euros de cotisations et de contributions : 70 % viennent des salariés et 30 % des non salariés.

• La MSA Ardèche Drôme Loire, c’est aussi 7,32 millions d’euros de frais de fonctionnement et 21,98 millions d’euros de gestion du personnel.

• En 2023, la caisse a relevé 303 423 € de fraude aux prestations sociales. 114 entreprises et 475 salariés ont été contrôlés pour du travail illégal et dissimulé. Pour l’an passé, le montant des redressements s’élève à 400 000 €.

• Pour la 12e année consécutive, les comptes du régime agricole ont été certifié.

• 338 millions d’euros ont été versés à l’agriculture Ardèche Drôme Loire au titre de la solidarité nationale.

• 984 exploitants ont été accompagnés par le dispositif Réagir. 103 actifs ont été concernés par le maintien dans l’emploi ou la réinsertion professionnelle et 70 actifs ont bénéficié de l’aide au répit.

• L’aide au maintien à domicile et à l’autonomie est une priorité pour la caisse Ardèche Drôme Loire. Ainsi, près d’un million d’euros ont été déboursés pour les aînés et 780 retraités ont participé aux ateliers et conférences de prévention du bien vieillir.

• + 7 % d’indice de satisfaction client avec une très forte satisfaction des salariés et retraités (88 %) et une satisfaction des employeurs et non salariés en progrès, mais encore insuffisante (60 %).