VIANDE BOVINE
Des coûts de productions en légère augmentation sur le 1er semestre 2023

Le 1er semestre 2023 voit la poursuite des tendances de fond, déjà constatées sur l’année 2022. Avec toujours la décapitalisation du cheptel allaitant (baisse de 527 000 vaches allaitantes entre le 1er juin 2016 et le 1er juin 2023). Certes, nous constatons enfin, au 1er semestre 2023 un début de diminution des charges sur les matières premières agricoles pour les éleveurs. Cependant, du fait de la revalorisation du SMIC sur cette période, les prix de revient restent encore à un niveau très élevé.

Des coûts de productions en légère augmentation sur le 1er semestre 2023

Après des mois d’inflation, bien que les prix des matières premières aient commencé leur lente diminution (chiffres de fin juin 2023 source : Ipampa viande bovine, RICA 2015, traitement Institut de l’élevage : aliments achetés : -6,5% ; engrais et amendements : -61,2 % ; énergie et lubrifiants : -15,5%), les indicateurs de prix de revient en viande bovine (calculés selon l’accord interprofessionnel en date du 22 mai 2019) augmentent de +1% sur le 1er semestre 2023. Cette hausse est conséquente à une revalorisation du SMIC sur la période concernée.  Cette revalorisation impacte à la fois le poste rémunération éleveur mais aussi les postes « Biens et services de consommations intermédiaires », « Produits et services vétérinaires », « Entretien et réparation des véhicules » et « Frais généraux » calculés au sein du prix de revient interprofessionnel.

Des signaux de marché, montrant une offre limitée en animaux

La décapitalisation du cheptel bovin allaitant enclenchée depuis 2016, s’est accélérée sur l’année passée (Baisse de 112 000 têtes sur la campagne 2022-23). Alors que la consommation par bilan se tient globalement (-0.5 % sur les 6 premiers mois de l’année 2023 / 2022), cette décapitalisation toujours marquée (-3.1 % par rapport à la campagne précédente) se traduit par la poursuite de la tendance à la baisse des abattages poursuivie. Fin août 2023, les chiffres le prouvent : -4.3 % d’abattages sur les 33 premières semaines de 2023 VS 2022 (Source : Normabev).

La décapitalisation se traduit également par une baisse des naissances de 152 000 animaux sur la campagne 2022/2023 (-4.6%). Cette baisse implique donc une réduction des effectifs d’animaux mis sur le marché d’environ 10%. Aussi, alors que la part de l’Italie dans nos exportations sert souvent d’alibi, il ne faut pas oublier la dépendance réciproque des Italiens à l’approvisionnement français qui oscille entre 85 et 90 %.

Dans ce contexte, avec une telle réduction de l’offre, et alors que la demande est dynamique, il ne peut avoir qu’un effet favorable sur les cours... D’autant plus marqué que les Algériens reviennent à l’achat, avec des exigences moindres.

Des cotations stables sur le 1er semestre 2023, et donc des signaux clairement insuffisants pour les éleveurs

Sur le 1er semestre 2023, malgré une offre limitée en animaux, les cotations sont restées stables ( +0,2% sur la période), toutes catégories animales confondues (hausse de 0,01€/kg sur le Prix Moyen Pondéré entre la semaine 1 et 26 en 2023). Le constat est simple : le niveau des prix payés producteurs ne permet toujours pas de couvrir la hausse des charges subie par les éleveurs. Sur le 1er semestre 2023, l’écart entre le prix de revient interprofessionnel et la cotation ne diminue que sur la vache allaitante si l’on compare à 2018. Les signes d’une amélioration de la rémunération des éleveurs bovins sont donc très à la marge… Le 1er semestre 2023 ne fait pas exception ! Bien que les charges se stabilisent, les cotations gros bovins entrée abattoir[1] ont fait de même, et ont suivi la même tendance. Le prix payé producteur est donc toujours à perte, lorsqu’il est comparé au prix de revient.

1. Cotation entrée abattoir : l’écart avec le prix en sortie ferme, effectivement payé au producteur est d’autant plus important.

L’indicateur prix de revient interprofessionnel, l’élément indispensable au sein des contrats, pour faire face à l’envolée des prix des matières premières

Il convient de rappeler que, dans le cadre d’EGALIM2, l’éleveur doit établir sa proposition de contrat à son premier acheteur et non l’inverse. Et le prix de revient interprofessionnel (selon la méthodologie de calcul en date du 22 mai 2019) - et non un autre - est, dans cette proposition, le socle indispensable à toute négociation. Le résultat de la mécanique de prix résultant de la négociation, et présente dans le contrat, ne sera alors plus négociable par l’aval de la filière.

Par la prise en compte de l’indicateur interprofessionnel dans le contrat, l’éleveur a l’assurance que la flambée des prix des matières premières sera supportée par son exploitation, de manière durable. Par le contrat, l’éleveur est aussi assuré, de mieux contrer les éventuelles pressions à la baisse, saisonnières ou non, mises par les opérateurs. Il convient également de rappeler que la prise en compte de l’indicateur interprofessionnel dans un contrat, amène toujours à une meilleure valorisation que le prix du marché, même quand celui-ci augmente fortement comme l’année passée ! (cf. courbes ci-dessous)

Enfin, cela permet de donner de la visibilité aux éleveurs, à la filière, comme aux financeurs pour accompagner les jeunes. Avec la moitié des éleveurs qui partiront à la retraite dans les 10 années à venir, le renouvellement des générations est urgent.

Les graphiques ci-dessous donnent des exemples de situations concernant les prix payés aux éleveurs, sur vaches allaitantes, jeunes bovins et broutards, selon les modalités de prix négociées : si les ventes étaient au prix du marché (en noir), intégralement basée sur l’indicateur interprofessionnel de prix de revient (en vert), et entre les 2 avec des proportions différentes (en jaune, gris et orange)

« Ce n’est pas le moment de démanteler la loi Égalim! »
Christian Bajard est éleveur en Saône-et-Loire. Il préside la FDSEA de son département. ©DR
TROIS QUESTIONS À

« Ce n’est pas le moment de démanteler la loi Égalim! »

Christian Bajard, coordinateur du Berceau des races à viande.

Malgré une hausse des prix à la production depuis un an, les cotations ne couvrent pas encore l’intégralité des coûts de production. Comment l’expliquez-vous ?

Christian Bajard : « Parce que certains essaient de contourner la loi Égalim qui a pourtant acté un principe de base celui de la non-négociabilité de la matière première agricole et le respect des coûts de production grâce à la mise en place d’indicateurs professionnels. Aujourd’hui, l’attitude des pouvoirs publics, à commencer par celle du ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, ne nous aide pas puisqu’il est le premier défenseur d’une baisse des prix alimentaires, quitte à s’asseoir sur une loi qu’il est censé lui-même faire respecter. »

En quoi est-ce un jeu dangereux ?

C.B. : « Vouloir s’attaquer à l’inflation par la seule baisse des prix alimentaires est une erreur. À la fin de l’histoire c’est le producteur qui trinque, la grande distribution qui augmente sa marge et le consommateur qui est floué. Nous demandons une application pleine et entière de la loi Égalim, avec tous les mécanismes prévus. La construction du prix en marche en avant ne doit pas être remise en cause. Nous ne donnerons pas de perspectives à nos filières avec des cours qui baissent. Nous le vérifions régulièrement : les années de crise, nos formations agricoles en production animales peinent à se remplir, tandis que dès que des signaux positifs émergent, les jeunes reviennent. Il est important de redonner envie aux agriculteurs qui ont cette fibre pour l’élevage. Cela passe par une sécurisation du revenu. »

L’augmentation des prix même partielle a-t-elle toutefois ralentit la décapitalisation du cheptel bovin ?

C.B. : « Le relèvement des cours a freiné le recul de production de viande bovine, mais il ne l’a pas enrayé. Des abatteurs s’inquiètent de leur approvisionnement et la structure de la démographie agricole n’est pas de nature à les rassurer. Le territoire du berceau n’est pas exempt. Là où l’élevage s’en va, il ne revient pas. C’est un équilibre fragile qui, encore une fois, nécessite que nos produits soient payés à leur juste valeur. Nous avons la chance en France d’avoir des modèles d’élevage durable à taille humaine qui regorgent de bénéfices pour la société toute entière. Nous attendons de l’État qu’il soit à nos côtés pour protéger ce modèle plutôt que de le dénigrer. »

Propos recueillis par Sophie Chatenet