APICULTURE
Répondre à la pression du frelon asiatique

Les adhérents de la section apicole du GDS de l’Ardèche étaient réunis, samedi 10 février à Privas, en assemblée générale. Les échanges se sont concentrés notamment sur les luttes contre le varroa et le frelon asiatique, qui perturbent fortement les colonies d’abeilles.

Répondre à la pression du frelon asiatique
La section apicole du GDS de l'Ardèche réunissait près de 200 adhérents en 2023.

En réunissant près de 200 adhérents en 2023, la section apicole du groupement de défense sanitaire (GDS) de l’Ardèche maintient son effectif et son dynamisme. « Le bilan financier est encore un peu en déficit mais nous arrivons à équilibrer les comptes », a indiqué le président de la section apicole, Mickaël Richard. « Les conventions que nous avons avec la Compagnie nationale du Rhône (CNR) et la communauté de communes du Bassin d’Aubenas sur la destruction des nids de frelon asiatique ne sont pas établies sur la même durée, la première est menée sur trois ans, la seconde est annuelle, ce qui fausse un peu la lecture des comptes qui sont en fait équilibrés. En 2024, nous essayerons de maintenir cet équilibre et de signer des conventions avec d’autres communautés de communes. »

Une forte prédation

La lutte contre le frelon asiatique (Vespa Velutina) est devenue un enjeu majeur du maintien de la filière apicole, d’autant plus qu’il a connu un très fort développement l’an passé. En 2023, le nombre de nids observé a été multiplié par deux en région Auvergne Rhône-Alpes et par 1,6 en Ardèche.

« Il y a beaucoup de prédation, des ruches complètes se font détruire en fin d’été sur toutes les zones apicoles du département, un peu moins dans le nord », ajoute Mickaël Richard. « La présence du frelon asiatique encourage aussi les abeilles à rester dans leur ruche et à faire moins de réserve, elles ne préfèrent plus sortir, ce qui affaiblit les colonies, qu’il faut nourrir. »

L’an passé, la section apicole ardéchoise a reçu moins de déclarations de nids de frelon asiatique sur les secteurs situés en bordure du Rhône, grâce aux actions de piégeage de printemps et d'automne menés dans le cadre d’une convention triannuelle avec la CNR, poursuit-il, preuve que l’accompagnement apporté par le GDS porte ses fruits. « Nous allons contacter les communautés de communes du territoire ardéchois ces prochains mois pour les convaincre de s’investir dans le piégeage et les accompagner, savoir où installer les pièges, comment les gérer, etc. »

Piégeage de printemps des reines fondatrices

Au printemps 2024, la section apicole du GDS de l’Ardèche mettra en place des actions de piégeage de reines fondatrices dans le cadre d’un plan régional de lutte à l'image du plan national élaboré par les organisations nationales apicoles. Les fondatrices étant plus vulnérables entre début mars et le 15 mai, car en quête de nourriture sucrée. L’objectif est de pouvoir piéger tôt les fondatrices et tenter de limiter le nombre de colonies pendant la saison et ainsi réduire les coûts associés à la destruction de nids. Cette action est complémentaire à la recherche, au signalement et à la destruction des nids à l’automne.

Le piégeage est mis en place sur les zones où les ruchers sont impactés par une forte prédation et/ou forte densité de nids de frelon asiatique (détruits ou non) en saison précédente. Quatre à six piégeages peuvent être placés par commune, placés entre 20 cm et 1,20 m du sol, avec une exposition plutôt ensoleillée, dès le mois de mars après les dernières gelées et durant 8 semaines continues avec fin obligatoire le 15 mai.

Dans le cadre d’une nouvelle convention avec la CNR notamment, la section apicole du GDS de l’Ardèche travaillera aussi sur la mise en place d’appâts plus attrayants pour le piégeage des reines fondatrices, « des appâts à base d’effluve de ruche qui tiennent plus longtemps, un à deux mois », indique Mickaël Richard. « Nous allons également essayer de repérer les nids en plein été, ce qui n’est pas facile à travers le feuillage mais cela peut être très efficace. »

A.L.

Le frelon asiatique a connu un très fort développement en 2023. Le nombre de nids observé a été multiplié par deux en région Auvergne Rhône-Alpes et par 1,6 en Ardèche.

PSE

En 2023, de nombreuses visites par les techniciens sanitaires apicoles (TSA) chez des apiculteurs adhérents ont été réalisés par la section apicole du GDS de l’Ardèche dans le cadre du programme sanitaire d’élevage (PSE), centré sur la prévention et la lutte contre la varroose, mais également la diffusion de bonnes pratiques sanitaires. « Il nous reste environ 120 visites à faire sur les deux prochaines années, avec l’appui de nos 6 TSA », explique le président de la section, Mickaël Richard. Une « avancée importante » pour le renouvellement du PSE prévu en 2025. « Ces visites permettent d’échanger avec les apiculteurs et de faire de la prévention concernant la lutte contre le varroa. Les TSA constatent de nombreuses pratiques non adaptées qui peuvent à terme rendre plus faible les ruches. »

Des ressources florales insuffisantes et avancées
Yves Darricau. ©DR
ENTRETIEN

Des ressources florales insuffisantes et avancées

Ingénieur agronome, apiculteur formé par la Société centrale d'apiculture du jardin du Luxembourg (Paris), chroniqueur pour la revue « L'Abeille de France » et auteur de nombreux ouvrages, Yves Darricau est intervenu durant l’assemblée sur la relation entre le pollen et la santé des abeilles.  

Dans votre ouvrage « Le pollen, fil conducteur des plantations pour les abeilles », vous abordez le lien entre le pollen et la santé des abeilles, entre le climat et les floraisons. Comment se caractérise ce lien exactement ?

Yves Darricau : « Nous savons précisément que la vitalité des abeilles et la quantité d’insectes sont liées aux pollens et à leur contenu en acides aminés. Nous entendons souvent que la santé, c’est de manger cinq fruits et légumes par jour. Pour les abeilles, ce sont trois pollens, ce qui sous-entend des fleurs diverses tout le temps ! »

Quel état des lieux peut-on dresser aujourd’hui sur ce sujet ?

Y.D. : « Le changement climatique, par les sécheresses ou les excès pluvieux, dégrade la qualité des fleurs et de leurs pollens, c’est quelque chose d’un peu oublié mais de reconnu. Nous observons également, depuis les années 1950, un avancement des floraisons, de quasiment un mois aujourd’hui, ce qui est très dommageable pour les « mangeurs de fleurs » car c’est un mois de disette estivale en plus. Après les floraisons des grands arbres mellifères, les tilleuls et châtaigniers, il ne reste que de rares ressources en pollen et en nectar. Si 75 % des ressources florales, autrefois distribuées sur 5 mois, le sont maintenant sur 4 mois, nous avons perdu 15 % de ressources, c’est-à-dire de quoi produire 15 % de biomasse en moins, à rapprocher aux 30 % de pertes de biodiversité que nous signale le Muséum national d’Histoire naturelle. Les fleurs et leur pollen deviennent le facteur limitant dans nos paysages ! Nous observons partout moins de diversité végétale, des agricultures spécialisées et des floraisons avancées, du vert certes mais dégradé, moins d’insectes sur nos pare-brises aussi et moins d’oiseaux qui se chamaillent par manque de fleurs. »

Quelles méthodes et actions sont à suivre pour rééquilibrer ces ressources florales ?

Y.D. : « La solution est évidente : il faut refleurir nos paysages, que l’on soit apiculteur ou pas ! Cela demande une adaptation de la palette que nous devons planter, car avec l’avancement des floraisons, le climat durcit aussi les conditions de vie de nos végétaux. Certains vont se raréfier voire disparaître car ils sont peu adaptés au climat plus chaud et plus sec. Nous devons donc planter des végétaux résistants, locaux, déjà en place, mais aussi des nouvelles essences, adaptées aux territoires du Sud. Il faut planter surtout des arbres et des arbustes qui favorisent des caractéristiques florales complétant nos paysages : des Tilleuls plus tardifs que les nôtres, comme le Tilleul de Henry ou le Sophora japonica, un cousin de l’Acacia, capable de fleurir en juillet, ou l’Heptacodium miconioides, un curieux chinois qui fleurit avant le Lierre… Nous avons la possibilité d’avoir des floraisons très précoces aussi avec le Noisetier de Byzance ou encore l’Érable à feuilles d’Obier, un arbre commun en Espagne et en Italie, très rare en France. La palette utilisable est large. »

Propos recueillis par A.L.