CHANGEMENT CLIMATIQUE
Un climat ardéchois transformé d'ici quelques années

Pour l'agriculture, en particulier, 2022 aura été compliqué : manque d'eau, chaleurs records, aléas... D'après les prévisions climatiques présentées lors de la session de la chambre d'agriculture de l'Ardèche, jeudi 16 mars, cette année exceptionnelle pourrait bientôt devenir la norme.

Un climat ardéchois transformé d'ici quelques années
Toutes les filières cherchent à s'adapter au changement climatique dont les conséquences sont déjà visibles sur les cultures.

Par rapport à une année « normale », les températures ont grimpé de 3 à 4 degrés de plus que d'habitude, entre mai et août 2022. Quelques degrés seulement qui nous donnent pourtant un aperçu de ce qui nous attend. « Pour les êtres vivants et les plantes, 4 degrés ce n'est pas anodin », insiste Yves Boyer, chef de service économie et filière à la chambre d'agriculture de l'Ardèche.

La montagne particulièrement impactée

D'après les modalisations des scientifiques présentées, d'ici la fin du siècle l'Ardèche connaîtra des étés de quatre mois, avec parfois plusieurs dizaines de jours à plus de 30 degrés. C'est dans la montagne ardéchoise que ce changement climatique risque d'être le plus visible, avec des températures beaucoup plus élevées que celle que l'on connait jusqu'à présent, et ce, tout au long de l'année.

Dela pluie à l'automne et au printemps

Les aléas, en revanche, sont plus difficiles à anticiper. À l'échelle planétaire, les experts du climats envisagent des épisodes plus fréquents et plus intenses. Si on zoom sur l'Ardèche, cela pourrait être le cas des épisodes cévenoles, sans qu'on connaisse avec certitude leurs évolutions. Ce que l'on sait, en revanche, c'est que les niveaux annuels de précipitations devraient rester les mêmes en Ardèche, alors que leurs périodes seraient décalées, à l'automne et au printemps, créant des problématiques de sécheresses estivales.

1,5 degrés en 2030

Lors de cette session plénière de la chambre d'agriculture, c'est Yves Boyer qui a présenté ces données, issues des rapports du Giec. « Elles correspondent au scénario le plus pessimiste mais le plus probable à l'heure actuelle », a-t-il précisé. Dans ce contexte, maintenir la température sous la barre des 1,5 degrés d'ici à 2050 (objectif initialement fixé lors de la COP21 à Paris) semble pour l'instant peu probable. Cette limite pourrait même d'être dépassée dans moins de 10 ans, d'après les experts du Giec.

Adaptation et atténuation 

Dans ce contexte, deux stratégies se dessinent pour nos sociétés. La première est évidemment de limiter le déréglement climatique, en réduisant les émissions de gaz à effet de serre (l'atténuation), et la seconde, tout aussi nécessaire, est l'anticipation à court et moyen termes face aux nouvelles conditions climatiques de notre planète (l'adaptation). Deux axes pour lesquels la chambre d'agriculture a un rôle à jouer !

Pauline De Deus

Les filières cherchent à s'adapter

Lors de cette session de la chambre d'agriculture de l'Ardèche, chaque filière a présenté, avec un élu et un technicien, les risques auxquels elle doit faire face et ses pistes de transition.

Castanéiculture

Castanéiculture

La filière ardéchoise fait face à plusieurs risques : le gel avec le débourrement précoce, les pertes de rendement, l'augmentation des maladies et de la mortalité des arbres, le stress hydrique et la baisse de qualité sanitaire des fruits. Pour s'adapter plusieurs essais sont menés, notamment sur des porte-greffes et des variétés (pour davantage de résistance face aux chaleurs, sécheresse, maladies, ravageurs, etc.). L'impact de l'élagage est aussi étudié (les arbres élagués semble montrer de plus faibles besoin en eau), de même que la gestion des sols (fertilité, couverture, etc.). Enfin l'impact d'une irrigation ponctuelle est observée dans plusieurs expérimentations. 

Viticulture

Viticulture

Avec le changement climatique, les stades phénologiques de la vignes sont d'ores et déjà avancés. On observe aussi des dégâts sur le matériel végétal, une hausse du stress hydrique, une diminution des rendements (à la récolte et à la vinification), etc. Plusieurs techniques d'adaptation sont observées voire déjà conseillées, notamment les techniques culturales, la couverture du sol, l'intégration d'arbres dans les pacerelles, des portes greffes et cépages plus résilients à la sécheresse, l'irrigation mais aussi l'adaptation des pratiques œnologiques. Le travail autour de l'ombrage et des matières organiques dans les sols pourraient aussi permettre de diminuer les risque.

Arboriculture

Arboriculture

Avancée des stades phénologiques des fruits, retard d'entrée en dormance des arbres, développement de ravageurs, dégâts sur le matériel végétal, baisse de qualité des fruits et de leur temps de conservation... Face à ces conséquences, des stratégies sont mises en place par certains arboriculteurs, avec des moyens de protection physique aux aléas climatiques (tour à vent, filer, drainage, ombrage, etc.) mais aussi des techniques agronomiques de gestion de couverture des sols. Des réflexions sont aussi menées autour de nouveaux vergers (amandes, grenades), de diversification des variétés, des portes greffes, des espèces et des techniques culturales. Enfin des expérimentations d'agrivoltaïsme devrait aussi être menées.

Maraîchage

Maraîchage

Comme les autres filières, le maraîchage connait des cycles de végétations plus rapides et des risques de gel tardif. La période estivale est aussi marquée par un creux de production, en raison des chaleurs intenses et des besoins en eau accrus. Face à ces nouvelles conditions, la filière maraîchère renforce les protections physiques et travaille sur la diversification des cultures ainsi que sur le choix variétal pour davantage de résistance. D'autres actions peuvent être menées, autour du paillage, de l'irrigation, de l'apport en matière organique, de l'ombrage et enfin de l'amélioration des capacités de stockage. Malgré tout ces efforts, certains sites pourraient progressivement être abandonnés par la filière maraîchère, en raison de l'exposition, des sols et du manque d'irrigation.

Élevage

Élevage

Les prairies ne sont pas épargnées par le changement climatique. Si la pousse est constante en automne, en hiver et au printemps, la sécheresse estivale a, quant à elle, tendance à s'allonger, ce qui dégrade les pâturages. Les éleveurs sont souvent dans l'obligation d'acheter pour compenser les pertes. Pour s'adapter il faudra évidemment produire davantage de fourrage (avec les pousses automnales et hivernales), sur-semer les prairies ou encore décaler la période de mises-bas au moment de la pousse de l'herbe. Plusieurs expérimentations sont aussi menées autour de la production fourragère.

Forêts

Forêts

Les forêts ardéchoises vont être drastiquement transformées avec la hausse des températures : mortalité, vulnérabilité aux maladies, risques incendies, aléas climatiques... Face à cette réalité des essais sont actuellement menés pour implanter des essences méridionales, des modélisations sont également réalisées pour essayer d'anticiper l'adaptation d'une essence à un climat changeant d'ici 30 à 50 ans. Des modélisations des risques incendies par secteur sont également réalisées. L'accompagnement des propriétaire est aussi un axe essentuel pour la transformation des peuplements ardéchois. D'ici 2070, les résineux pourraient ne plus être adaptés à nos montagnes, tandis que des essences méridoniales pourraient-elles se plaire dans ce nouveau climat.

Le changement climatique en pratique

Particulièrement visible ces dernières années, le dérèglement climatique trouve ses origines il y a plus d'un siècle avec l'industrialisation et les activités humaines qui y sont associées. Centrales à charbon, usage des hydrocarbures, extraction minière... Avec la combustion notamment, ces activités émettent des gaz qui réchauffent l'atmosphère.

Gaz à effet de serre

Parmi les différents gaz qui réchauffent l'atmosphère, on compte :

  • Le dioxyde de carbone (CO2) : en moins de deux siècles la présence de ce gaz dans l'atmosphère a doublé, il met ensuite une centaine d'années pour disparaître.
  • Le méthane ( CH4) : contrairement au CO2, sa durée de vie dans l'atmosphère n'excède pas 12 ans, toutefois ce gaz a un effet réchauffant beaucoup plus important.
  • Le protoxyde d'azote (N2O) : l'effet de serre de ce gaz est particulièrement puissant puisque son effet réchauffant est encore plus important que le méthane et sa durée de vie supérieur à celle du CO2 (120 ans en moyenne).

Agriculture et émissions

Comme toutes les activités humaines, l'agriculture émet des gaz à effet de serre. Toutefois les émissions de CO2 (liées notamment à l'usage de machine) est assez faible, les deux principaux gaz émis sont le méthane (fermentation liée à la digestion des vaches) et le protoxyde d'azote (utilisation des engrais azotés et épandage des déjections). L'agriculture française a toutefois diminué ses émissions de 8 % depuis 1990. Autre avantage de ce secteur d'activité, son potentiel de limitation du réchauffement climatique grâce aux puits de carbone que sont notamment les prairies, forêts, tourbières, etc.

Les émissions importées

Si en France, l'agriculture est le 2e secteurs le plus émetteur de gaz à effet de serre, c'est loin d'être le cas au niveau mondial.  À l'échelle planétaire, l'énergie est le secteur le plus émetteur, suivi des transports et de l'industrie. Cette différence s'explique par la répartition des émissions dans d'autres pays (notamment la Chine où les émissions sont principalement dues aux énergies et à l'industrie). Les français participent toutefois à ces émissions mondiales, notamment avec l'importation de biens dont la production a émis des gaz à effet de serre à l'étranger. Ces émissions importées souvent négligées, représentent pourtant la moitié des émissions françaises totales et seraient en constante augmentation (alors qu'à l'échelle nationale les émissions diminuent). 

Prévisions de températures présentées par la chambre d'agriculture de l'Ardèche, jeudi 16 mars.