AGRONOMIE
Appréhender le cycle de l’azote pour améliorer la fertilité des sols
En tant que composant de la chlorophylle, l’azote joue un rôle vital dans la photosynthèse et donc dans la croissance végétale. Connaître le cycle de l’azote permet d’assurer une bonne fertilité du sol par un accès optimal à l’azote disponible.
Si les légumineuses sont capables d’utiliser l’azote contenu dans l’air, les plantes assimilent l’azote principalement sous la forme d’ions nitrates (NO3-) présents dans le sol. Cet azote peut provenir des engrais minéraux et de la minéralisation des matières ou engrais organiques. Attention toutefois, cette forme d’azote est soluble dans l’eau, ce qui la rend sensible aux pertes par lixiviation des sols. Il convient donc de promouvoir des pratiques qui réduisent les risques pendant les périodes de forte pluviosité. De même,des pertes par dénitrification et volatilisation ammoniacale sont à l’origine d’une moindre efficience des apports. Ces dernières dépendent des conditions d’apport des engrais minéraux et organiques. Pour optimiser les ressources en azote, une attention particulière doit donc être portée au bon fonctionnement du sol. Si aujourd’hui, la composante biologique de la fertilité du sol est encore mal connue, ses composantes physique et chimique ont déjà livré de nombreux secrets. De fait, il est admis que pour assurer une bonne disponibilité de l’azote pour les cultures, la structure du sol et le type de matières organiques sont les deux paramètres à surveiller.
Limiter le risque de tassement en profondeur
Une bonne structure du sol (superficielle et en profondeur) permet une bonne implantation et un enracinement optimal des cultures. Les racines pourront ainsi explorer au mieux le sol et garantir une bonne absorption de l’azote présent sur l’ensemble du profil racinaire. Une bonne structure du sol permet aussi de maximiser la minéralisation naturelle de la matière organique du sol. De nombreuses méthodes de diagnostic sur la structuration du sol existent : profil cultural, mini-profil télescopique, test bêche, drop test… pas besoin d’être pédologue pour diagnostiquer un problème de tassement en profondeur ou un problème de prise en masse superficielle. Il suffit d’une bêche et d’un sol suffisamment réhumecté. En cas de problème, les leviers à actionner dépendront du type de sol et du système de cultures. Néanmoins, le mieux est de prévenir tout risque de tassement en profondeur. Pour cela, il faut porter une attention particulière à la charge des engins, aux pneumatiques utilisés, aux conditions d’interventions. Pour les sols fragiles en surface, la présence de résidus ou de couverts permet de limiter les risques de croûte de battance, de prise en masse en surface.
Type de matières organiques
À court terme, en dehors des apports d’engrais organiques à libération rapide, ce sont les résidus de légumineuses qui permettent de libérer le plus d’azote pour la culture suivante. Ces apports se chiffrent en dizaines de kilogrammes par hectare (quantités prises en compte dans les méthodes de bilan). À moyen-long terme, augmenter ses restitutions de résidus de végétaux et/ou ses apports exogènes influe positivement sur la teneur en matière organique du sol, avec des économies d’engrais à la clé. La teneur en matière organique (souvent nommée humus) évolue cependant très lentement. La dynamique dépend de l’état initial (faible ou forte) et des pratiques. Une analyse de la matière organique de ses parcelles est indispensable pour prioriser les actions.
Yann Janin, Arvalis-Institut du végétal
Dynamique de l’azote dans le sol
Des leviers afin d’améliorer la fertilité des sols en agriculture biologique
En marge de la 9e édition du Salon Tech&Bio, Joséphine Peigné, enseignante-chercheuse à l’Isara, a présenté diverses solutions afin de prendre soin de son sol en agriculture biologique.
En 2018, Camille Rolland et son père Robert se sont portés volontaires pour implanter du mélilot (légumineuse) dans leur verger de pommes bio situé dans les Hautes-Alpes. Cette expérimentation, menée dans le cadre du projet Absolu1 avait plusieurs objectifs : améliorer la structure du sol, lutter contre les campagnols et être mellifère. Afin de mener le projet à bien, 6 000 m² de parcelles ont été divisés en deux. Une moitié a servi de témoin et était seulement composée d’un enherbement naturel avec une flore variée, l’autre était composée du mélange de mélilot et de trèfle blanc. Le mélilot a été semé en avril 2019, avec un ajout de trèfle blanc dans l’inter-rang. Au bout d’un an d’implantation, la population de vers de terre a légèrement augmenté dans le système innovant comportant du mélilot. L’augmentation la plus significative a eu lieu dans l’inter-rang. Concernant la dégradation de la matière organique, « la parcelle en test (système innovant, NDLR) et la parcelle témoin ont toutes deux montré une bonne dégradation, surtout sous le rang », explique Joséphine Peigné, enseignante-chercheuse à l’Isara. Entre février et juin 2020, les responsables du projet ont observé un faible reliquat d’azote minéral au sein des deux parcelles. Seul le rang en système innovant en possédait davantage. La différence majeure est la présence d’azote dans les arbres : cette dernière s’est montrée bien plus disponible dans la plante en système innovant. Les différentes observations ont également montré que le mélilot engendrait un feuillage plus vert et une meilleure vigueur des arbres.
Le non-labour en grandes cultures
En agriculture biologique, améliorer la santé de son sol est également possible à travers les travaux du sol. Lors d’une autre expérience de terrain portée sur grandes cultures (blé), l’Isara a comparé quatre systèmes de travail du sol différents : un labour traditionnel (0-30 cm) avec inversion du sol et rasettes, un labour agronomique (0-18 cm) avec inversion du sol et sans rasettes, un travail du sol superficiel (0-17 cm) sans retournement et un travail du sol très superficiel (0-7 cm). Après plusieurs années de tests et de pratiques sur des sols sableux, le plus fort taux de matière organique dans le sol a été retrouvé dans le travail très superficiel, quelle que soit la profondeur de sol mesurée : 22,90 g/kg sur 0 à 20 cm ; 30,5 g/kg sur 0 à 7 cm ; 22,9 g/kg sur 7 à 15 cm et 19,56 g/kg sur 15 à 30 cm. Cette teneur a drastiquement chuté lorsque le travail du sol se fait en labour traditionnel : 15,53 g/kg sur 0 à 20 cm ; 17,06 g/kg sur 0 à 7 cm ; 16,53 g/kg sur 7 à 15 cm ; 16,56 g/kg sur 15 à 30 cm. Mais travailler très superficiellement le sol augmente sa prise en masse dans les horizons non travaillés. Cette action nécessite donc de mettre en oeuvre des leviers, tels que le recours aux couvertures végétales du sol, afin de potentiellement remédier à ce problème par la biologie du sol.
Tester l’apport de compost et de vermicompost
En 2020, un essai mené à Civrieux (Rhône), a cherché à démontrer les effets d’un apport en digestat, compost et vermicompost de biodéchets sur des cultures d’orge, de sarrasin et de blé. Au début de l’expérimentation, les sols étaient représentatifs des zones de grandes cultures au nord de Lyon : limoneux, sableux et argileux avec texture relativement équilibrée, avec une densité 1,24 (0-10 cm) et 1,40 (10-20 cm) ainsi qu’un pH de 6,3 et une matière organique à 1,53 %. Après deux années d’essai, l’Inrae et l’Isara ont remarqué qu’il n’y avait pas eu d’effet sur la densité du sol (0 à 10 cm), ni sur la rétention en eau et le stockage de la matière organique. Néanmoins, le compost à forte dose a augmenté de façon significative le potassium échangeable et le phosphore total. Le même phénomène s’est produit avec le vermicompost, qui, à forte dose, a augmenté le calcium et le magnésium échangeables et a permis une abondance de lombriciens adultes supérieure au témoin. Selon Joséphine Peigné, l’apport de couverts, de matière organique et les travaux du sol sont autant de leviers capables d’améliorer la santé du sol. Mais leurs résultats peuvent être contrastés selon les propriétés et le type de sol. Travailler de concert entre agriculture et chercheurs est donc primordial.
Léa Rochon
1. Le projet Absolu (2019-2020) a été financé par le fonds Danone Ecosystem et conduit par l’Itab, en partenariat avec l’Isara, l’Inra, le Grab et la Frab Nouvelle-Aquitaine.