Jeudi 20 avril, les JA de l’Ardèche et la FDSEA ont invité les élus sur le vignoble du Gaec des Granges à Alba-la-Romaine. L’occasion d’évoquer les problématiques auxquelles la filière doit faire face et notamment le durcissement des critères d'accès au label Haute valeur environnementale (HVE) depuis le début de l'année.

HVE : l'exigence monte d'un cran
La visite du vignoble du Gaec des Granges à Alba-la-Romaine, a permis d'aborder les difficultés liées au label HVE qui concerne principalement la filière viticole.

« Le label HVE n’est pas du greenwashing, mais une vraie certification qui prend en compte la biodiversité, le bien-être animal mais aussi l’aspect paysager », insiste Jean-François Laville, président de la section viticole de la FDSEA. Face au préfet de l’Ardèche Thierry Devimeux, au député Hervé Saulignac et à plusieurs maires, la profession agricole ardéchoise a défendu la certification Haute valeur environnementale (HVE), sous le feu des critiques depuis plusieurs mois. 

« Les exploitations risquent de sortir d'HVE »

Outre l'attaque en justice du label (voir encadré), les agriculteurs ardéchois s’inquiètent du récent durcissement des règles (entrées en vigueur en janvier 20231) qui pourrait détourner certaines exploitations de cette certification. « Un dépoussiérage était nécessaire, mais ce n’est pas en doublant le cahier des charges qu’on donne plus de lisibilité et de compréhension. Le référentiel est passé de 70 à 128 pages… C’est une usine à gaz ! », s’insurge Jean-François Laville. Et de poursuivre : « Les vignerons ardéchois ont réussi le pari d’emmener dans cette démarche volontariste plus de 80 % de leurs collègues. C’est une avancée collective significative, mais ces décisions incompréhensibles nous coupent l’herbe sous le pied ! »

Jérôme Volle, vice-président à la FNSEA, acquiesce : « Avec ces nouvelles normes, 20 % des exploitations risquent de sortir de la certification HVE. » Or, ce label est de plus en plus demandé dans certaines filières, c'est surtout le cas des vignerons qui souhaitent accéder à la vente dans les grandes et moyennes surfaces.  « Mais il n’y a pas de bonus économique », regrette Jean-François Laville. « Aucun distributeur ne veut mettre un centime de plus ! » Le nouveau référentiel HVE permet toutefois l'accès à l’écorégime dans la Pac 2023-2027.

Des possibilités de traitements réduites

« C’est bien d’être exigeant, mais il faut que ça soit faisable », renchérit Jérôme Volle. Certaines maladies, telles que la Flavescence dorée, nécessitent par exemple une lutte obligatoire. L’Indice fréquence de traitement (IFT) peut ainsi augmenter drastiquement, limitant l’accès à HVE puisque les seuils ont été réduits. Il en va de même pour la fertilisation et pour l’usage des produits classés CMR (cancérogène, mutagène et reprotoxique).

Dans le cadre du label HVE, les CMR de premier niveau (toxicité avérée pour l'homme) sont désormais interdits et les CMR 2 (toxicité suspectée) sont limités. Une réglementation couplée à une mise à jour des produits CMR qui intègre désormais d'autres traitements phytosanitaires dans cette catégorie. On pense notamment au diméthomorphe (DMM), molécule utilisée pour lutter contre le mildiou, classée CMR 1 en décembre dernier.

Face à ces « exigences sociétales auxquelles l'agriculture n'échappera pas », le député Hervé Saulignac a incité à continuer le travail mené pour expliquer ces contraintes au grand public. Mais encore faut-il que les actes de consommation suivent les paroles de l'opinion publique... « C’est de l’hypocrisie de demander plus d’exigences et d’acheter des produits étrangers », a résumé Nathalie Soboul, présidente de Jeunes agriculteurs Ardèche.

Pauline De Deus

1 Les exploitations déjà certifiées bénéficient d’un délai pour se conformer aux nouvelles exigences. Toutefois, les exploitations souhaitant se faire certifier pour la première fois le sont forcément sur le nouveau référentiel.
ENTRETIEN / Une certification unique et reconnue

ENTRETIEN / Une certification unique et reconnue

Créé en 2012 (suite au Grenelle de l'environnement de 2007), le label HVE fédère aujourd’hui 36 225 exploitations en France, selon le ministère de l’Agriculture. Jérôme Volle, vice-président de la FNSEA revient sur l’intérêt de cette certification.

Pourquoi ce label Haute valeur environnementale a-t-il été créé ? 

Jérôme Volle, vice-président de la FNSEA : « Auparavant, il existait différents cahiers des charges de distributeurs. Avec le ministère de l’Agriculture, la réflexion a donc été d’essayer de voir si on pouvait créer un cahier des charges unique qui pourrait être reconnu par les distributeurs et les consommateurs. Car trop de certification tue l’identification ! »

Concrètement, quels ont été les bénéfices de ce label ? 

J. V. : « Pour les metteurs en marché, cela a permis de communiquer sur la certification environnementale. Et pour les agriculteurs, le label donne accès aux marchés, qui, dans certains cas, peut être rémunéré. Mais toutes les filières ne sont pas complètement concernées. Aujourd’hui il y a à peine 25 % des produits qui sont vendus sous le label HVE. »

Quelles sont les menaces qui pèsent sur le label aujourd’hui ? 

J. V. : « Le cahier des charges est en train d’évoluer. Il devient de plus en plus exigeant et c’est plus compliqué pour un certain nombre d’agriculteurs de pouvoir y répondre. À la FNSEA, on est en train de se battre pour faire en sorte que ce label reste accessible avec une évolution progressive. Mais la plus grosse difficulté, c’est que cette certification a été attaquée au tribunal par un certain nombre d’associations environnementales et par certains producteurs de la fédération nationale d’agriculture biologique. Et ça risque évidemment de ralentir la dynamique autour de cette certification. »

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C’est le nombre d’exploitation certifié HVE en Ardèche, d’après les données publiées par le ministère de l’Agriculture en janvier 2023.

Le label attaqué devant le conseil d'État

Pour être labellisées HVE, les exploitations doivent obtenir un nombre de points suffisants dans quatre domaines : biodiversité, stratégie phytosanitaire, gestion de la fertilisation et ressource en eau. Un mode de calcul critiqué par des associations environnementales, de consommateurs et des acteurs de l'agriculture biologique qui accusent ce système de n'être pas suffisamment contraignant. Ils pointent aussi du doigt la confusion entre le label AB (agriculture biologique) et le label HVE (Haute valeur environnementale). Le 20 janvier, ce collectif a saisi le conseil d'État pour tromperie du consommateur.

 

L'eau : le nerf de la guerre
Nicolas Riffard, associé au Gaec des Granges à Alba-la-Romaine.
IRRIGATION

L'eau : le nerf de la guerre

Cette visite au Gaec des Granges a aussi été l’occasion d’aborder, une nouvelle fois avec le préfet, une problématique très actuelle : la ressource en eau.

Lors de cette visite dans les vignes, les discours étaient accompagnés des coassements incessants des grenouilles. Cachés dans la végétation qui borde le lac du Gaec, ces petits amphibiens servent d’exemple à une idée qui peine à faire sa place dans l'opinion publique : « Les retenues d’eau font aussi vivre la faune », rappelle Benoit Nodin, secrétaire général de la FDSEA de l’Ardèche.

Créé en 2001, ce lac a aussi permis au Gaec des Granges de se diversifier. Aujourd’hui l’exploitation compte 1,5 ha de maraîchage, 30 ha de vigne, 4 ha de verger et 3 ha de chêne truffier. « En vigne, il faut compter 600 m3 d’eau à l’hectare par an, en maraîchage 1500 m3 et en arboriculture 5 000 m3 », explique Nicolas Riffard, l’un des quatre associés du Gaec. En 2022, entre l’évaporation et les besoins en eau, le lac a fini l'été asséché mais au mois d’octobre d’importantes précipitations ont permis de le remplir à nouveau en seulement une nuit, a expliqué Nicolas Riffard.

« On va se retrouver avec un blocage »

En s’appuyant notamment sur ce témoignage, Benoit Nodin a incité les élus à être avant-gardistes en matière d’aménagement du territoire, en créant davantage de structure de ce type sur le territoire. « On a fait beaucoup d’efforts et on continue à en faire, mais à un moment donné on ne pourra pas plus restreindre… Très vite on va se retrouver avec un blocage », a-t-il alerté.

Si le préfet de l'Ardèche a tenté de rassurer, en expliquant que toutes les démarches vont dans ce sens (protocole de création de retenues, assises de l'eau), la présidente de JA 07, Nathalie Soboul, a exprimé son inquiétude à ce sujet : « Est-ce qu’on ne va pas nous mettre des bâtons dans les roues ? » Et de conclure, d'une voix chargée d'émotion : « Je me suis installée en 2016 et j’ai connu 5 années avec des aléas. En 2023, mon oncle et mon père partent à la retraite, mais si on n’a pas de récolte, mon frère ne pourra pas s’installer… L’eau est une assurance climatique ! »