SANITAIRE
"Biosécurité : tout le monde en fait à sa manière"

Romain Persicot, directeur du GDS Aura revient sur la définition de la biosécurité dans les élevages, et plus particulièrement des bâtiments, pour se prémunir des virus, bactéries et champignons pathogènes.

"Biosécurité : tout le monde en fait à sa manière"
L’éleveur doit contrôler qui rentre dans les bâtiments : visiteurs, intervenants, salariés… La première des choses est de les faire passer par un pédiluve propre. ©MC

Qu'est-ce que la biosécurité dans les bâtiments d'élevage ?

Romain Persicot : « La biosécurité c’est assez simple. C'est se protéger des pathogènes biologiques comme on se protège d'un risque chimique par exemple. Ces pathogènes biologiques qui présentent un risque sanitaire dans les élevages sont tous les micro-organismes tels que les virus, les bactéries et les champignons. Toutes les espèces animales, du bovin au chien jusqu'à l'homme, peuvent être contaminées par l'un de ces pathogènes avec des conséquences plus ou moins importantes. Comme chez l'homme, une vache peut être malade mais ses symptômes passent inaperçus ou au contraire peuvent être graves. Si les conséquences sanitaires des différents pathogènes varient dans leur durée et/ou leur intensité, les modes de contaminations sont les mêmes. »

Quels sont-ils ?

R.P : « Il y a des virus qui peuvent être véhiculés par l'air ou par contact rapproché. L'exemple le plus fréquent est la BVD qui est disséminée par les animaux et qui d'ailleurs fait l'objet d'un programme intensif d'éradication. Les bactéries seront davantage transmises par l'alimentation ou l'eau. L'homme est utilisé comme véhicule par les pathogènes pour passer d'une exploitation à une autre. Les bottes souillées sont d'ailleurs, très souvent, la première cause de la dissémination de la BVD, la fièvre Q… Le matériel agricole joue le même rôle surtout si les roues sont pleines de bouses ou de fumier. »

Garantir un état sanitaire sain dans son bâtiment passe donc en priorité par le contrôle des accès ?

R.P : « Les pathogènes doivent être stoppés à la limite de l'exploitation. La première chose à faire est de contrôler et surveiller tous les animaux qui rentrent dans le cheptel. Lorsqu'un nouvel animal arrive dans le troupeau, la quarantaine est indispensable et le dépistage des maladies primordial pour se prémunir. Ce n'est qu'une fois les résultats connus et négatifs que le nouvel animal pourra être intégré. En cas de dépistage positif, il devra être traité. Dans le cas d'une vache laitière en pleine production, la quarantaine est plus complexe à réaliser parce qu'il faut continuer de la traire. Dans ce cas, l'éleveur acheteur a le droit de demander à réaliser le dépistage dans l'élevage vendeur et de faire venir son animal une fois les résultats connus. Attention également aux contacts rapprochés avec les animaux du voisin. L'idéal est de s'accorder pour faire un roulement de telle sorte que les vaches ne soient pas dans des près voisins. Enfin, concernant le matériel et surtout celui en commun (Cuma...) il doit être nettoyé au karcher. »

Et concernant les hommes ?

R.P : « Là aussi l'éleveur doit contrôler qui rentre : visiteurs, intervenants, salariés... La première des choses est de les faire passer par la case pédiluve. Pédiluve propre ! Le produit doit être clair et pas noyé dans les saletés depuis un mois ou deux. Il y a ensuite la tenue. Si un maquignon a une veste ou un pantalon avec de la bouse il peut contaminer l'élevage. Dans ce cas soit il le retire soit l'éleveur peut lui proposer une combinaison jetable ou une combinaison en tissu propre qui vient de la ferme. Il en va de même pour le vétérinaire. Certains éleveurs ont une paire de bottes dédiées au véto parce que, malgré tout, il ne met pas forcément de sur-chaussures. »

Dans le fonctionnement, l'usage ou même l'aménagement du bâtiment que préconisez-vous pour limiter la circulation des pathogènes ?

R.P : « Il y a un microbisme1 au sein des bâtiments. L'enjeu est de veiller à ce qu'il n'explose pas. Le système immunitaire des animaux est la clé de voûte de cet équilibre et son efficacité repose sur le plan de vaccination et une alimentation complète. Il est également recommandé de limiter les contacts entre les lots d'animaux au sein du bâtiment. Les génisses doivent être séparées des vaches laitières et des veaux.

Autre aspect important et souvent négligé : l'organisation du travail. On commence par soigner les animaux les plus fragiles (parce que l'éleveur est propre) pour finir par les plus résistants. C'est le principe de la marche en avant : du plus propre au plus sale ; du plus sain au plus malade. C'est difficilement réalisable en élevage laitier parce que tous les éleveurs commencent par la traite. En revanche, en élevage allaitant, c'est jouable.

Quant au bâtiment, le GDS préconise de réaliser un vide sanitaire par an. L'idéal est de le faire avant la période des naissances pour avoir un environnement sain pour accueillir les nouveau-nés fragiles. Il existe des désinfectants dédiés mais leur efficacité repose sur un vrai lavage à l'eau au préalable. L'ambiance du bâtiment est également importante. L'aération est primordiale pour avoir une bonne circulation de l'air et prémunir son élevage de pathologies respiratoires. Il n'y a pas de différence, dans la circulation des pathogènes, entre caillebotis et paille.

Enfin, attention aux points d'eau. Ils doivent être nettoyés régulièrement sans attendre qu'ils ne soient souillés. Leur emplacement lors de la construction rendra cette tâche plus ou moins aisée. Idem pour l'aire d'alimentation qui doit rester propre. Les animaux de compagnie doivent éviter d'aller faire leurs besoins de dedans ! Quant aux rats, ils sont eux aussi vecteurs de maladies : leur population doit être maîtrisée. Pour conclure, la biosécurité est un terme qui fait peur mais tout le monde en fait déjà à sa manière. »

Propos recueillis par M. Comte

1. Ensemble de la flore bactérienne d'un milieu.