VITICULTURE
Couverts végétaux sur vignoble : acquérir des outils concrets

La chambre d’agriculture de l’Ardèche propose une journée de formation visant à améliorer l’implantation des couverts végétaux sur son vignoble, mieux maîtriser l’enherbement spontané et maximiser les bénéfices des couverts et engrais verts sur l’exploitation.

Couverts végétaux sur vignoble : acquérir des outils concrets
Deux sessions de formation sont organisées par la chambre d’agriculture de l’Ardèche, le 28 novembre à Mirabel et le 27 février 2024 à Tournon-sur-Rhône. ©DR

À destination des viticulteurs, tous secteurs confondus et sans niveau d’expérience requis, une formation de 7 heures est organisée en novembre et en février 2024 par la chambre d’agriculture de l’Ardèche. Elle vise à donner aux participants des outils concrets pour être autonomes et élaborer un plan d’action sur son exploitation.

Divers sujets seront abordés lors de cette formation :

  • La nutrition végétale de la vigne, la vie du sol et la relation sol-plante : interactions avec un couvert herbacé.
  • Objectifs recherchés avec les couverts végétaux : structuration du sol, restitutions en éléments nutritifs, activité biologique, lutte contre l’érosion, limitation des transferts de fertilité et pollutions diffuses, capacité de rétention en eau, maitrise des adventices, etc.
  • Couvert spontané contre semé : mise en perspective de leurs avantages et contraintes respectives, et combinaison possible à la parcelle.
  • Retour d’expérience et impact des couverts végétaux : références en climat méditerranéen.
  • Itinéraire technique avec un couvert végétal semé.

De multiples méthodes pédagogiques seront également utilisées :

  • Diaporamas, photos, vidéos, données d'expérimentations et retours d'expériences pratiques.
  • Discussion et échanges entre les participants, ateliers participatifs.
  • Travaux pratiques : mise en situation, observations d’une parcelle et interprétation
PRATIQUE / Sessions de formation

PRATIQUE / Sessions de formation

  • 28 novembre à Mirabel au CFPPA Olivier de Serres.
  • 27 février 2024 à Tournon-sur-Rhône

Durée de la formation : 7 heures (9h à 12h et 13h30 à 17h).

Pré-inscriptions en ligne.

Contact : Mélanie Terrasse – 04 75 20 28 58 – [email protected]
« Un travail au long cours »
Julien Remondat. ©AAA AL
QUESTIONS À

« Un travail au long cours »

Julien Remondat, installé avec son épouse Aurélie sur une trentaine d’hectares à Valvignères. Il expérimente l’implantation des couverts végétaux sur son vignoble depuis huit ans.

Quels types de couverts avez-vous implanté ?

Julien Remondat : « Nous travaillons uniquement avec des couverts annuels, pour couvrir le sol pendant l’hiver, que l’on détruit au printemps en fonction de la météo. L’objectif principal est d’augmenter le taux de matière organique (MO) des sols. Au début, nous étions sur des taux assez bas, environ 1% voire 2% dans les meilleurs cas. Cela nous permet aussi de jouer sur la fertilité des sols pour dans l’avenir utiliser moins de fertilisation, sur leur activité biologique avec des sols plus aérés, moins sensibles à l’érosion et à la compaction, sur le désherbage plus ou moins naturel des adventices qui posent problème. »

Vos sols étaient-ils prêts à accueillir des couverts végétaux ?

J.R. : « Nous avons essayé de faire du semis direct, même si c’est compliqué sur un vignoble car les sols sont plus compactés en raison du passage fréquent des tracteurs. Aujourd’hui on décompacte en amont sur une quinzaine de centimètres de profondeur, pour ameublir le sol et faire en sorte que les racines des couverts partent en profondeur. »

Quelles espèces avez-vous choisi pour le semis ?

J.R. : « Nous implantons des légumineuses (féverole, vesce), des crucifères (radis, navette) et un peu de graminées (seigle). Cela peut évoluer selon les années. Ce sont des espèces annuelles et relativement rustiques, qui ne posent pas de problème de concurrence durant l’été et marchent bien sur des sols argilocalcaires comme nous avons ici, à un coût raisonnable. Elles font le boulot et ne sont pas trop compliquées à détruire. La meilleure période pour le semis est en septembre, jusqu’à mi-octobre, car il faut avoir de la chaleur, de l’humidité et du soleil. Ce n'est pas simple car cela tombe pendant la période des vendanges. On essaye de le faire en passant juste après la récolte, mais il y a des années où ça s’y prête moins avec l’organisation du travail. »

Quelles améliorations observez-vous ?

J.R. : « Nos indicateurs sont en progression. Sur certaines parcelles, on observe un gain de matière organique du sol de 0,1% en moyenne par an. Cela paraît peu mais c’est plutôt pas mal. C’est un travail au long cours. L’érosion des sols a fortement diminuée aussi, on le voit notamment à l’automne au niveau du ruissellement quand il y a de grosses pluies. On observe aussi davantage de vers de terre, un assombrissement des horizons superficiels des sols… »

Quelles règles de pilotage suivez-vous pour la destruction des couverts ?

J.R. : « Petit à petit, on les fait évoluer. Nous détruisons les couverts au printemps, en fonction de la météo. Si c’est pluvieux, on les laissera plus longtemps et s’il fait sec on les détruira plus tôt dans la saison. Dans l’objectif d’augmenter la matière organique, l’idéal est de détruire après floraison, entre fin avril et début mai, car les couverts se lignifient et apportent davantage de matière carbonée. La floraison doit être bien avancée. Il faut faire attention à ne pas trop assécher les sols au printemps dans le cas où il n’y ait pas beaucoup de pluies en été. Quand on détruit trop tôt, on amène des éléments intéressants mais pas cette matière carbonée et du coup organique. On gère le pilotage en fonction de la météo pour faire en sorte de ne pas trop concurrencer la vigne. C’est un compromis entre tout, mais notre priorité est de ne pas pénaliser les vignes, au contraire. »

Quels conseils donneriez-vous ?

J.R. : « Avec le climat d’aujourd’hui, la gestion des couverts végétaux peut être complexe, sur les dates de destruction, la définition des espèces, la densité de semis… Il vaut mieux bien se former, demander des conseils sur tous ces éléments, pour savoir comment faire, car cela demande d’être très pointu, réactif et rigoureux dans la gestion. »

Propos recueillis par A.L.

INTERVENTION / Une gestion adaptée au contexte méditerranéen

Dans un contexte méditerranéen, les vignerons rencontrent de grandes difficultés face à l’érosion des sols. Les couverts végétaux permettent d’en limiter la densité mais s’inscrivent dans des itinéraires techniques rigoureux qu’il convient d’adapter aux conditions pédoclimatiques particulières que connaissent les vignobles du sud de la France. Pour acquérir les clés d’une gestion optimale des couverts dans ce contexte, un groupe de vignerons des Pyrénées-Orientales a mené divers essais dans le cadre du GIEE1 « Les Couvreurs de vigne », créé en 2016 avec le CivamBio66. Des clés visant à réduire le nombre de passages et augmenter la fertilisation et la capacité de rétention en eau du sol. Des essais qui ont permis de quantifier des paramètres de pilotage de base (hygrométrie du sol, rendements et statut azoté des feuilles) et inciter à une meilleure adoption de la technique.

Nicolas Dubreuil, animateur et appui technique en viticulture bio au CivamBio66 interviendra lors des deux sessions de formation organisées par la chambre d’agriculture de l’Ardèche sur les principaux enseignements à tirer de l’expérience de ce GIEE. Selon lui, « il est nécessaire d’adapter les itinéraires techniques au contexte pédoclimatique, ainsi qu’à l’objectif principal recherché avec le couvert : engrais verts, couverture de sol, etc. Il ne faut pas hésiter non plus à distinguer la gestion des différents inter-rangs pour répondre à tous les besoins : par exemple, si on veut un relargage d’azote, une destruction précoce est impérative ! » Parmi les paramètres de pilotage de base, il distingue « le suivi de l’hygrométrie, qui in-fine contrôle la vie du sol et les dynamiques de minéralisation en contexte méditerranéen ». Quant aux points de vigilance distingués lors de ces essais, Nicolas Dubreuil conseille de ne pas « mettre la charrue avant les bœufs, par exemple en semant sur un sol qui n’est pas prêt, trop compacté, trop déficient en matière organique. Vouloir en faire trop d’un coup et se décourager : il faut se lancer sur quelques hectares et le faire bien, pour en voir les conséquences positives. Être focalisé sur la partie aérienne du couvert, en attendant trop pour la destruction alors que le couvert a déjà bien répondu aux attentes, notamment via son action souterraine ».

A.L.

1. Groupement d’intérêt économique et environnemental.

©DR