SOMMET DE L’ÉLEVAGE
« Les producteurs de lait ont besoin de perspectives »

Jamais le Sommet de l’Élevage n’aura accueilli autant de vaches laitières : 532, soit 100 de plus qu’en 2022. Une aubaine pour les producteurs qui ont des messages à faire passer, selon Stéphane Joandel, président de la section régionale laitière de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes et vice-président de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL).

« Les producteurs de lait ont besoin de perspectives »
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Producteur de lait dans la Loire, Stéphane Joandel est vice-président de la FNPL. ©Pamac

La Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) lancera mercredi matin au Sommet de l’Élevage le plaidoyer « Fiers d’être éleveurs laitiers ». La première des fiertés n’est-elle pas de pouvoir vivre dignement de son métier ?

Stéphane Joandel : « L’enjeu du prix est sans aucun doute central. Nous avons la chance d’avoir en Auvergne-Rhône-Alpes, une vraie force laitière, mais comme au niveau national, elle recule faute d’une rémunération suffisante. Entre juin 2022 et juin 2023, la collecte laitière a reculé de 2,9 % au niveau français, quand sur les six premiers mois de 2023, en Auvergne-Rhône-Alpes, elle a baissé de 1,2 %. Si nous voulons attirer des jeunes et ne pas décourager les forces en présence, il faut que le revenu augmente. Il y a la loi Égalim qui prévoit une rémunération à hauteur des coûts de production. Mais force est de constater que l’attitude actuelle des industriels qui ne veulent pas signer de contrats avec les organisations de producteurs (OP) est inacceptable. Les producteurs de lait ont besoin de lisibilité. Si l’éleveur gagne bien sa vie, il peut se faire remplacer et gagner aussi en qualité de vie. Là-aussi c’est une demande légitime de nos collègues qui aspirent à profiter d’un peu de temps de libre, de leur famille, de leurs amis. Le monde agricole ne peut plus rester autant en marge du reste de la société. »

Sur la question du prix, quelle est la stratégie de la FNPL ?

S.J. : « Manifestement, la loi Égalim a du mal à s’appliquer. Des ministres, comme celui de l’Économie, Bruno Le Maire, ne nous facilite pas la tâche quand son seul but semble vouloir la détricoter alors que son rôle serait de veiller à son application. C’est un très mauvais signal envoyé aux producteurs et un nouveau coup dur pour la souveraineté alimentaire de notre pays. Nous sommes résolument dans une position offensive avec la volonté de faire appliquer la loi quitte à aller jusqu’au bout des procédures juridiques. La FNPL souhaite accompagner les organisations de producteurs (OP) de manière pro-active. En 2022, la coopérative Sodiaal a été secouée par la profession. Aujourd’hui, elle respecte ses engagements. On ne peut que s’en féliciter. D’autres acteurs seraient bien inspirés de lui emboîter le pas sous peine de n’avoir plus de matière à transformer dans leurs usines. »

Le plaidoyer évoque le triple rôle de la production laitière : alimentaire, économique et environnemental. En quoi est-ce aujourd’hui important de rappeler ces trois fondamentaux ?

S.J. : « Nous vivons très mal les attaques sur nos exploitations et sur le modèle d’élevage français. Il est essentiel de redire à quel point notre filière est vertueuse. Sur le plan alimentaire, les vertus du lait sur la santé ne sont plus à prouver. L’élevage est un réservoir d’engrais naturels et les 11,5 millions d’hectares de prairies constituent le puits de carbone le plus important du pays. En termes économiques, la production d’un million de litres de lait génère 9,8 équivalents temps plein, pour un total de 250 000 emplois. L’intérêt pour nous est de repositiver sur nos produits laitiers. Ce n’est pas anodin quand on sait que 95 % des consommateurs mettent au moins un produit laitier dans leur caddie à chaque fois qu’ils vont faire des courses. Être fiers de nos produits contribue à leur redonner de la valeur. Et c’est aussi un enjeu de renouvellement des générations et de transmission de nos exploitations. Aux éleveurs de s’approprier ce plaidoyer, et aux élus aussi ! »

Pour revenir au Sommet de l’Elevage, la filière laitière y tient une place de plus en plus importante, à travers des concours d’envergure, des entreprises du secteur très présentes, mais pas seulement…Quelles sont les nouveautés pour 2023 ?

S.J. : « Outre le temps forts des concours et de la présentation du plaidoyer, nous avons voulu nous inscrire dans l’esprit de convivialité du Sommet, en organisant avec l’interprofession (Criel Alpes Massif central) un temps festif autour de la raclette, mercredi soir. Ce sera la soirée des éleveurs laitiers avec en fil conducteur la mise en valeur d’un produit emblématique de nos territoires. Ce type de manifestation est inédite. »

Propos recueillis par Sophie Chatenet

« Une soirée sous le signe de la raclette pour marquer les esprits »
Jean Michel Javelle. ©Pamac
IL A DIT

« Une soirée sous le signe de la raclette pour marquer les esprits »

Jean Michel Javelle, président du Criel Alpes Massif central.

« L’élevage laitier est à un tournant avec une baisse de la production et un nécessaire renouvellement des générations. Nous avons engagé des actions au sein du Criel notamment à travers la charte d’avenir bovins lait. La filière laitière est évidemment un acteur majeur du Sommet de l’Élevage. Mais cette année, tous les acteurs (producteurs, transformateurs, industriels qu’ils soient privés ou coopératifs) ont souhaité aller plus loin en organisant une soirée sous le signe de la raclette pour marquer les esprits. Nous souhaitons réaffirmer le poids de notre filière dans nos territoires de montagne. La soirée du mercredi soir, pour laquelle se sont investis tous les acteurs de notre filière, sera l’occasion de redire à quel point nous produisons des produits d’exception et que ce patrimoine est à préserver dans un intérêt économique et écologique. Élus, décideurs, consommateurs doivent mesurer que l’élevage est une pépite à préserver. »

Les brunes en national
©Daniel Schwen CC

Les brunes en national

Pour la seconde fois de son histoire, la brune organisera son concours national au Sommet de l’Élevage, jeudi 5 octobre, avec deux temps forts : à partir de 9h30 le concours, puis en fin de journée la vente aux enchères. Une opportunité inédite pour promouvoir la troisième race laitière mondiale. Originaire des Alpes européennes, la brune est élevée pour son équilibre idéal entre volumes et composants de lait, longévité, fonctionnalité et adaptabilité, ce qui en fait une vache très attractive et économiquement intéressante. Durant les quatre jours du Salon, l’accent sera mis sur l’accueil des partenaires étrangers pour développer les échanges et les exportations. Dans ce cadre, Brune Génétique Service (BGS) organise un “National Brown Swiss Tour”, en partenariat avec l’agence Agrilys, un voyage de trois jours ouverts aux délégations étrangères sur inscription.

S. C.