MOBILISATION
Pour une prise de conscience « au plus haut niveau »

Pauline De Deus
-

À l'appel de la FDSEA 07 et Jeunes agriculteurs (JA) Ardèche, une centaine d'agriculteurs ont manifesté à Privas, lundi 27 novembre dans la matinée. Du fumier et des châtaignes ont été déversés devant la préfecture.

Pour une prise de conscience « au plus haut niveau »
Après avoir défilé dans les rues de Privas, les agriculteurs ont déversé une montagne de fumiers, de fourrages et de châtaignes abîmés devant la préfecture de l’Ardèche. Une action forte pour provoquer une prise de conscience au plus haut niveau. ©AAA-PDD

Le vrombissement des tracteurs s’est fait entendre, lundi 27 novembre, à Privas. Pour exprimer leur mécontentement, une centaine d’agriculteurs du département avaient fait le déplacement. Certains avaient même apporté les panneaux de leur commune pour faire écho à l’action menée depuis le 20 novembre dernier. Ces panneaux retournés sont désormais le symbole de l’exaspération des agriculteurs français. « On marche sur la tête », clament-ils. Des produits importés qui ne respectent pas les contraintes imposées en France, des produits phytosanitaires interdits sans alternative, une taxation du gazole non routier qui vient encore alourdir les coûts de production… Autant d’incohérences dénoncées par les agriculteurs qui se retrouvent bien souvent pris en étau dans une situation qu’il ne maîtrise pas. « Tout cela va à l’encontre de ce que nous voulons, un métier moderne, équilibré et qui fasse vivre des hommes et des femmes dans le pays », déclare Jérôme Volle, vice-président de la FNSEA.

« Les problèmes s’empilent »

Le tout accompagné de problématiques locales, telles que le manque d’eau, la prédation du loup ou encore l’appétit des promoteurs photovoltaïques qui cherchent à installer leur panneau au sol, sur des terres agricoles. « Tous ces problèmes-là, ce sont des problèmes que l’on rencontre tous les jours et qui s’empilent », résume Benoit Nodin, secrétaire général de la FDSEA de l’Ardèche. « Nous ne sommes pas une variable d’ajustement », martèle à son tour la présidente de JA Ardèche, Nathalie Soboul. Alors que le plan loup 2024-2029 est en consultation jusqu’au 7 décembre, la présidente des JA dénonce un plan « qui répond aux attentes d’il y a 10 ans… Aujourd’hui, on se fait envahir ! » Et d’ajouter : « Les décisionnaires sont complètement à côté de la plaque. On attend une vraie prise de conscience à Paris. S’ils veulent continuer à manger cette bonne gastronomie, il faut qu'ils se hâtent de préserver l’agriculture ».

« Le compte n’y est pas »

En ce lundi matin, après avoir défilé dans les rues de Privas, les agriculteurs ont déversé une montagne de Fumier,  de fourrage et de châtaignes abîmées devant la préfecture de l’Ardèche. Une action forte pour provoquer une prise de conscience au plus haut niveau. « En janvier, nous manifestions pour sauver la production de cerises et nous avions été reçus par le ministre, Marc Fesneau, qui s’était engagé à prendre en compte nos demandes. Un an après, le plan cerise vient de sortir et le compte n’y est pas ! Les taux de spécialisation excluent la plupart de nos producteurs », dénonce Christel Cesana, présidente de la FDSEA de l’Ardèche. « Oui, il nous faut changer certaines pratiques, mais pour ça, il faut nous accompagner et qu’on prenne soin de cette agriculture qui est la force économique de notre territoire », ajoute Benoit Claret, président de la chambre d'agriculture de l'Ardèche. Et Christel Cesana de poursuivre : « Sur la PAC, le compte n'y est pas. Il y a une baisse considérable du verdissement alors que ces aides nous permettent de maintenir un pastoralisme. […] Toutes ces mesures affaiblissent l’agriculture ardéchoise, qui est souvent citée en exemple, mais qui est, aujourd’hui, en grande difficulté. »

Des avancées locales

Dans un territoire où l’intelligence collective est souvent vantée, le Département et la préfecture avaient fait le déplacement pour montrer leur soutien aux agriculteurs. « On ne va pas remettre les panneaux des communes, parce que symboliquement, c’est très important, annonce le président du Département. Ici, on arrive à travailler main dans la main, mais c’est au sommet de l’État que ça ne va pas du tout. » Dans le même esprit, la préfète de l’Ardèche, Sophie Elizeon, a ensuite rappelé le travail mené entre les services locaux et la profession agricole. Concernant le loup, les échanges sur la non-protégeabilité des troupeaux, la porte ouverte à des innovations et à plus de flexibilité en matière de protection. Le protocole pour avancer « de manière raisonnable » sur la question de l’eau qui, d’après elle, permit la signature de 22 autorisations d’agrandissement ou de création de retenues collinaires. La charte autour de l’agrivoltaïsme pour contrer les risques de disparition de terres agricoles au profit de l’énergie. Pour le reste, elle s’est engagée à faire remonter les préoccupations des agriculteurs dans une ambition de souveraineté alimentaire, qui, a-t-elle assuré, est également « portée par le gouvernement ». Reste que l’agriculture est de plus en plus, mise à mal… « Et dans ces conditions, je me demande comment on peut encore encourager l’installation agricole », s’inquiète Nathalie Soboul, en rappelant les chiffres : d’ici 10 ans, 50 % des agriculteurs pourront faire valoir leurs droits à la retraite.

Pauline De Deus

« L’État marche sur la tête »

À l’appel de la manifestation nationale, la FDSEA et Jeunes agriculteurs de l’Ardèche se sont mobilisés entre le 20 et le 25 novembre en menant une action symbolique de retournement de panneaux d’entrée de villes et de villages du département. Une action visant à attirer l’attention sur « la nécessité pressante d’un nouveau pacte entre la France et ses agriculteurs, accompagné de mesures concrètes pour revitaliser l’agriculture nationale et restaurer notre souveraineté alimentaire », ont expliqué les représentants des syndicats en début de semaine dernière. « L’État marche sur la tête », dénoncent les syndicats. Confrontés à « des prix insuffisants, des contraintes de production croissante, une augmentation des charges qui impacte les exploitations et un manque de confiance des autorités », les agriculteurs ardéchois réclament « des perspectives de stabilité pour instaurer la confiance... »

A.L.

Les viticulteurs du sud de la France en colère
Les manifestants ont dénoncé les contraintes subies par la profession vigneronne et la fragilisation de leur filière. ©DR
NARBONNE

Les viticulteurs du sud de la France en colère

À l'appel du syndicat des Vignerons de l'Aude (11), une mobilisation vigneronne était organisée vendredi 24 novembre à Narbonne. Elle a réuni près de 6 000 viticulteurs du sud de la France, dont quelques Ardéchois !

Ils étaient près de 6 000 manifestants (4 000 selon les chiffres communiqués par la préfecture de l’Aude) à arpenter les grands axes de Narbonne et se réunir sur la place de l’Hôtel de ville, à l’appel à la mobilisation lancé par le syndicat des Vignerons de l’Aude. Une marche pacifique menée au son des bombes et des pétards agricoles, en un lieu historique de la contestation viticole, dans le but de dénoncer les contraintes subies par la profession vigneronne et la fragilisation de leur filière. La mobilisation a réuni des viticulteurs venus des régions Occitanie, Provence-Alpes-Côte d’Azur et du sud d’Auvergne Rhône-Alpes, ainsi que de nombreux représentants syndicaux régionaux et présidents de chambres d’agriculture. De multiples élus des territoires viticoles d’Occitanie avaient eux aussi fait le déplacement, arborant leurs écharpes tricolores.

Crises successives et prix trop bas

Besoins en eau, de plan d’investissements contre les aléas climatiques, d’outil d’arrachage temporaire des vignes, de coefficient multiplicateur réduit pour les vins en restauration, d’une préretraite pour les vignerons usés, d’ajustement de prix du vin… Les vignerons sont excédés face aux crises successives et aux prix trop bas du vin. Ils réclament une véritable stratégie pour dynamiser l’économie de leur filière et répondre en urgence aux difficultés de trésorerie. « Le prix du vin est indécent » face « aux efforts de qualité, d’engagements environnementaux, d’endettement lourd », martèle Frédéric Rouanet, président des Vignerons de l’Aude, avant de lancer la marche dans les rues de Narbonne. Viticulteur à Saint-Geniès-des-Mourgues (34), le 1er vice-président de la FNSEA Jérôme Despey a demandé au ministre de l’Agriculture d’« agir vite » et d’apporter une attention particulière aux jeunes agriculteurs « qui sont l’avenir de la filière mais fragilisés ». Le président audois de Jeunes agriculteurs (JA) Fabien Mariscal de dénoncer également « les successions de contraintes toujours plus fortes » et « la violence » des charges qui peuvent retomber sur les agriculteurs.