SKI ALPIN
Agriculteurs et stations : une longue histoire de collaboration

Nichée au cœur de la montagne ardéchoise, la station de ski alpin de la Croix de Bauzon est la dernière station encore ouverte en Ardèche. Depuis son ouverture, elle permet aux agriculteurs du coin d'entretenir une activité économique et sociale lors des longs mois d’hiver.

Agriculteurs et stations : une longue histoire de collaboration
Les onze pistes de la Croix de Bauzon continuent d'accueillir des skieurs chaque hiver malgré un enneigement variable.

Yves Michel, est l’un des illustres représentants de ces agriculteurs à double casquette. Il a travaillé 41 saisons à la station de la Croix de Bauzon, voisine de sa ferme bovine. Aujourd’hui à la retraite, c’est sa fille Aurélie, éleveuse de chèvres pour la production de lait, qui a repris l’exploitation en 2019.

« Les bêtes, on ne les voyait que la nuit »

À l’instar de son père, la pétillante éleveuse a également travaillé à la station de 2012 à 2019 en compagnie de son frère, Grégory, apiculteur. Et le lien étroit qu’entretient la famille Michel avec la station, ne date pas d’hier. Le grand-père travaillait déjà à la station dans les années 1970. Yves Michel se fait embaucher en 1978, lors d’une grosse coupure d’électricité en Haute Loire : « On m’a embauché pour faire tourner le seul téléski qui fonctionnait au diesel ». En 1991, il reprend l’exploitation familiale.

Des journées chargées pour les agriculteurs, car en période hivernale, « les bêtes, on ne les voyait que la nuit : le matin et le soir » confie l'ancien exploitant. « Il fallait avoir fait la traite et déneigé avant de partir à la station. Sinon le risque, c’était un arrêt de la collecte de lait », précise-t-il.

De son côté, Guillaume Chaze est installé en Gaec avec ses parents depuis 2017, sur la commune de Cellier-du-Luc. Avec un cheptel 420 brebis et 80 vaches allaitantes, il est très occupé sur son exploitation. Malgré tout, il trouve le temps de travailler à la station depuis cinq saisons. « Je vais m'avancer le matin, pour que le soir ce soit rapide », résume le jeune exploitant.

« Véritables atouts pour la station »

Severine Roux, en charge de la partie administrative de la station fait part de son attachement envers les agriculteurs : « On a toujours eu des agriculteurs, c'est un véritable atout pour la station et la conduite d’engins. Ils connaissent le travail extérieur et touchent à tout ». Si dans les années 1980 et 1990, la plupart des saisonniers de la station étaient des agriculteurs, les temps ont changés. « Nous étions une douzaine d’agriculteurs sur une vingtaine de saisonniers », se rappelle Yves Michel. Désormais, il en reste trois : Guillaume Chaze, Grégory Michel et Timothé Huriez nouveau maraîcher sur la commune de Valgorge. L’explication est multifactorielle. « Les exploitations ont grossi, il y a de moins en moins de fermes. Le beau temps dure plus longtemps et permet aux agriculteurs de travailler plus longtemps », analyse Aurélie Michel.

L’autre avantage de cet emploi est l’aspect financier. Pour Guillaume Chaze, l’apport économique est variable : « Ce n’est pas un fixe garanti, s'il n’y pas de neiges, la station ouvre moins longtemps, mais c’est un apport intéressant ». Concernant Yves Michel, ces 41 années de saisons, lui ont permis de cotiser davantage : « Ma retraite est plus du double que ce qu'elle aurait été sans ces années à la station ».

Hormis l’aspect économique, tous soulignent l’aspect social que leur a apporté leur expérience à la Croix de Bauzon : « Ça m’a sorti de ma ferme, j’ai appris énormément de choses, notamment en mécanique. J’aimais ce boulot », confie Yves Michel. « Cela nous apporte une ouverture d’esprit, pour voir du monde, sinon on ne voit personne de tout l’hiver », rigolent en cœur père et fille.

« L’enneigement était plus important »

Cette réalité pourrait pourtant changer avec le raccourcissement des saisons de ski et la baisse de fréquentaton engendrée. Guillaume Chaze précise : « Avant, l'enneigement était beaucoup plus important, il y avait 4, 5 mètres en cumuls de neiges. En 2022, on a eu à peine 1 mètre. Si le froid perdure, on arrivera à enneiger grâce aux canons, car 80 % de l’activité de la station, c’est de la neige de culture ».

L’éleveur de brebis ne voit pas arriver la fin du ski alpin. « Tant qu’on aura du froid, on aura la station : il le faut, c’est l’activité du pays l’hiver ». Le projet de faire de la station un modèle d'activités pour les 4 saisons n’est pas dans les esprits des agriculteurs. Pour Yves Michel, dubitatif « la station été/hiver je l’ai entendue toute ma vie ». Aurélie ajoute : « On espère que nos politiciens continueront à maintenir une activité hivernale sur le département, ça permet d’attirer du monde. Des personnes qui ne pourrait pas aller ailleurs. »

En ce début de printemps, les 11 pistes de la Croix de Bauzon ne sont plus ouvertes aux skieurs mais elles vont offrir leurs pâturages au pastoralisme. Pour Guillaume Chaze, l’intérêt est minime. « C’est trop loin de l’exploitation », résume-t-il. Quant à Aurélie Michel, « ces dernières années, c’était sec partout, alors on a profité des pistes côté nord pour mettre les chèvres, mais on ne compte pas là-dessus ».

Marine Martin