TRUFFICULTURE
« Une belle carte à jouer pour l’Ardèche »

La saison du marché de la truffe d’hiver, organisé chaque vendredi à Ruoms jusqu’à la fin de l’hiver, vient de débuter ! Un brin romanesque par ses modes de fructification et de récolte, la truffe est une culture de diversification à forte valeur ajoutée, à condition d’adopter une approche professionnelle.

« Une belle carte à jouer pour l’Ardèche »
Cette année, les pluies, moins importantes qu'à l'automne 2022 et plus étalées dans le temps, ne semblent pas avoir abimées les truffes. ©AAA_AL

Installée à Viviers après une carrière de haut fonctionnaire dans le secteur sanitaire et social à Marseille (13), Martine Voilque a été attirée par la part de mystère qui entoure la formation des truffes. « Après il ne faut pas penser que c’est une culture où l’on ne fait plus rien après la plantation. Il y a du travail tout au long de l’année ! » Cette productrice, qui préside le syndicat ardéchois des trufficulteurs depuis 2022, cultive avec son mari Patrick près de 800 chênes verts et chênes blancs sur un hectare pour la production de truffe noire (Tuber Melanosporum). En ce tout début de récolte, les brûlés, qui se développent en raison des substances herbicides secrétées par le mycélium de la truffe, encerclent ses arbres truffiers. Le cavage, qui caractérise l’action de creuser pour chercher des truffes, s’effectue régulièrement voire quotidiennement, durant 1 à 2 heures, à l’aide de chiens qui « ont tendance un petit peu à les tester ». En ce début de saison, impossible de faire des pronostics de récolte. L’an passé, elle a été très satisfaisante dans le nord et catastrophique dans le sud, même pour des producteurs qui entretiennent leur plantation. « Les épisodes pluvieux de novembre avaient asphyxiés les truffes dans les terrains un peu plus argileux et moins drainants », explique-t-elle. Cette année, les pluies, moins importantes et plus étalées dans le temps, ne semblent pas avoir abimées les truffes. « Pour le moment, elles sont plutôt blanches, la récolte est un peu tardive, mais ce n’est pas forcément mauvais signe pour la suite. C’est toujours difficile à dire. »

Un 2e plan de filière pour 2023-2027

Chaque année, le syndicat fédère entre 130 et 140 adhérents. De nombreuses actions sont engagées pour encourager à la plantation et à la formation. Il s’est particulièrement impliqué dans le développement de la filière depuis 2015, notamment auprès de la Région Auvergne Rhône-Alpes qui, dans le cadre d’un plan de filière mis en place avec les Départements de l’Ardèche et de la Drôme, a soutenu l’achat de plus de 8 000 plants en Ardèche entre 2019 et 2022, mais aussi des formations et des actions de communication. Les aides à la plantation ont été sollicitées majoritairement par des agriculteurs pour de la diversification. Un second plan de filière régional a été conclu pour la période 2023-2027, avec des aides à la plantation amplifiées.

Plus de 460 ha recensés

Un travail de cartographie, réalisé entre 2021 et 2023 par le syndicat, a permis également de recueillir des éléments quantitatifs et une vision sociologique de la filière ardéchoise. On recense au moins 460 ha de plantation, principalement sur de petits parcellaires en friche dans le sud-est et plus récemment sur la bande de la vallée du Rhône jusqu’à Annonay. Des sols à dominante calcaire ou sableux, favorables à la culture. « Maintenant nous savons de quoi nous parlons ! Ces éléments donnent du crédit à la filière pour développer des projets », apprécie Serge Barruel, qui a présidé le syndicat pendant une dizaine d’années, avant de passer la main à Martine Voilque. Parmi ces projets, celui de développer la production avec des candidats agricoles. « Les agriculteurs possèdent souvent des terrains un peu en friche, qui peuvent avoir une nouvelle vocation avec une truffière. Elle peut leur apporter un complément de revenu intéressant. C’est aussi un espace très riche en termes de biodiversité, de protection des sols car aucun intrant n’est utilisé », explique Martine Voilque. « Elle présente des atouts en termes de faune également, d’embellissement des paysages, pour le tourisme et la gastronomie. Je pense que c’est une belle carte à jouer pour l’Ardèche. »

« Une équation à 50 inconnues »

Il est très difficile de baser un modèle économique uniquement sur une truffière. « C’est une équation à 50 inconnues », ironise Martine Voilque. « D’une année sur l’autre, la récolte peut être multipliée ou divisée par 10 ou par 20, sans trop savoir pourquoi. » Si la truffe est une culture de diversification à forte valeur ajoutée, elle le sera donc dans le cadre d’une approche professionnelle, prévient Claude Murat, ingénieur de recherche à l’Inrae Grand-Est, qui travaille depuis plusieurs années sur les itinéraires techniques de cette culture (voir en page 18). « Si les arbres sont de bonne qualité, le terrain bien choisi et qu’on a bien travaillé, on va récolter. Après on ne peut jamais prévoir la production », résume-t-il.

En quête de vignerons trufficulteurs

Malgré tout, la truffe bénéficie d’un marché de niche très porteur. « La production française s’est stabilisée car elle est assurée par les plantations, mais elle est très insuffisante alors que nous avons des terroirs favorables et que nous savons aujourd’hui mieux gérer les plantations pour avoir des résultats », explique Nicolas Rouhier, qui dirige la société de négoce Plantin (84). Elle s’est associée récemment au projet Terroir, porté par le syndicat général des vignerons des côtes-du-rhône, qui vise à accompagner les producteurs qui le souhaitent dans des projets de diversification (minimum de 3 ha) à travers une « convention d’assistance » portant sur du conseil à l’analyse des sols, la plantation, l’irrigation, l’entretien et le réensemencement des arbres… « Il y a une méthode et un débouché », ajoute Nicolas Rouhier, en quête de « producteurs professionnels, qui cherchent à avoir des résultats ».

Anaïs Lévêque

Martine Voilque, présidente du syndicat des trufficulteurs d'Ardèche, cultive 800 chênes verts et chênes blancs pour la production de truffe noire (Tuber Melanosporum). ©AAA_AL
« Truffes Ardèche » : la marque est lancée !
IDENTIFICATION

« Truffes Ardèche » : la marque est lancée !

Les truffes des producteurs récoltants ardéchois peuvent désormais être clairement identifiées auprès des consommateurs, grâce à une marque lancée cet automne par le syndicat des trufficulteurs.

Déposée à l’INPI en 2021 et tout juste lancée, la marque « Truffe d’Ardèche » valorise les truffes noires (Tuber mélanosporum Vittadini, Tuber brumale Vittadini et Tuber aestivum Vittadini) de catégories « extra » et « 1er choix », produites et récoltées en Ardèche. Sous cette marque, elles peuvent être vendues en frais sur un marché organisé par le syndicat ou tout autre lieu de vente. Seuls les producteurs-récoltants ardéchois, ou leurs représentants, adhérents au syndicat, peuvent l’utiliser s’ils en font la demande annuellement. L’activité de négoce est proscrite. Sur l’emballage, doivent apparaître la dénomination de la truffe, nom et numéro de Siret du producteur et prix au kg ou 100 grammes. « Les truffes doivent être entières, avec l’odeur, la saveur et la couleur caractéristiques de l’espèce, avoir une maturité suffisante, être fermes au toucher, être propres, brossées à sec ou brossées humide, mais non trempées, être pratiquement exemptes de parasites et de matières étrangères, être exemptes de pourriture et d’altération par le gel, être exemptes d’humidité extérieure anormale, et avoir un poids supérieur ou égal à 10 g », indique le cahier des charges de la marque. La catégorie « extra » peut être utilisée pour des truffes de qualité supérieure d’un poids supérieur ou égal à 20 grammes, de forme arrondie, plus ou moins lobée, sans défaut, à l’exception de très légères altérations superficielles et défauts d’aspect/forme/couleur s’ils ne portent pas atteinte à l’aspect général du produit. La catégorie « 1er choix » est réservée aux truffes entières d'au moins 10 g n’étant pas classées « extra ». Une commission de tri, composée de membres du syndicat, a un droit de contrôle permanent sur les produits.

A.L.

Chiffres clés

  • 39% des truffières ardéchoises ont moins de 10 ans et 61 % ont moins de 25 ans.
  • Plus de 20 % sont susceptibles d’être en pleine production.
  • Taille moyenne d'une truffière : 3 000 m2 (maximum de 2 ha).
  • 64 % des truffières âgées de moins de 10 ans sont irriguées (32 % des 10 à 25 ans).

À NOTER / Quelles espèces trouve-t-on en Ardèche ?

En Ardèche, la truffe noire (Tuber Melanosporum) est la plus commune, très appréciée pour la puissance de ses arômes - qui se perd au contact de la chaleur - et son excellente valorisation sur le marché. Moins goûteuse, la Tuber Brumale est, quant à elle, naturellement présente dans les sols de la région - voire dans des truffières de Melanosporum - et utilisée par les conserveurs car elle supporte bien la chaleur. Une troisième espèce se récolte en été : la Tuber Aestivum, la plus répandue d’Europe et la moins chère, qui présente des arômes très fins.