Un projet de réintroduction du chamois et du bouquetin porté par le Département de l’Ardèche et différents partenaires voit le jour.

Chamois et bouquetin en Ardèche : un projet qui fait débat
Bouquetin dans le Vercors. ©NFrançon

S’appuyant sur un modèle réalisé dans d’autres départements, notamment dans les Pyrénées-Orientales, l’objectif de la réintroduction de ces ongulés rupestres est selon Matthieu Salel, vice-président du Département et conseillé en charge de l’agriculture, de l’environnement et du tourisme, induit par le fait que les chamois et bouquetins « vivaient déjà dans ce milieu qui leur correspondait, un territoire escarpé pour se mettre à l’abri ». Les dernières traces de bouquetins et chamois avérées en Ardèche remonteraient au paléolithique, puisque des peintures rupestres illustrent ces deux espèces au sein de la grotte Chauvet. « Ce projet de réintroduction est piloté par le Département de l’Ardèche au titre d’espace naturel sensible pour la période 2022-2030 », annonce Matthieu Salel. « Nous travaillons avec des partenaires qui sont animateurs des espaces naturels sensibles sur le pays des Vans en Cévennes et le pays de la Beaume et de la Drobie. Avec le PNR, la fédération de chasse, et l’appui du parc national des Pyrénées dans lequel des bouquetins et chamois ont été réintroduits ». Au-delà d’un enjeu pour la biodiversité, et la conservation d’une espèce, « l’idée, c’est que cela peut accompagner un tourisme plus visuel, car ce sont des animaux emblématiques : notamment le bouquetin, qui se laisse observer », révèle le vice-président. « L’objectif n’est pas de développer le tourisme, mais de le diversifier », précise-t-il.

Un projet qui doit fédérer et non diviser

Concernant les inquiétudes qui peuvent se dresser dans le monde agricole face à ce projet, Matthieu Salel l’assure, le plan n’a pas pour vocation de heurter « ni de passer en force ». Il insiste : « Je défends le projet, mais il doit recueillir l’accord de tous les acteurs et partenaires. Nous sommes sur deux espèces différentes. Le chamois peut être chassé si les effectifs augmentent trop tandis que le bouquetin est protégé. Un dossier qui nécessite l’aval du ministère ». Le conseiller dit entendre les « interrogations légitimes » de la part du monde agricole, notamment au niveau sanitaire et des dégâts que pourraient occasionner les deux espèces sur les cultures ou les forêts. « Il est nécessaire de se baser sur le retour d’expérience menée sur d’autres territoires pour montrer que la réintroduction fonctionne et que les désagréments sont minimes. Les dégâts de chamois sont de l’ordre de moins de 1 000 € par an. C’est sans comparaison avec les cerfs et les chevreuils. »

Le retour d’expérience comme modèle

Au sujet de la concurrence de nourriture que peut créer la réintroduction de ces deux espèces avec les troupeaux d’élevages, Matthieu Salel se veut rassurant : « Le retour d’expérience montre que cette concurrence n’est pas réelle, car les endroits où vont pâturer les troupeaux ne sont pas les espaces où vivent les bouquetins et chamois. De plus, leur ration quotidienne et nettement inférieure à celle des ovins et caprins ». Il ajoute : « Je souhaite que le monde agricole qui présente des réticences soit convaincu que les risques sont maîtrisés et contrôlés. Si un problème sanitaire est identifié, l’État peut prélever des animaux malades. De plus, dans le projet de réintroduction de ces espèces, il y a la garantie d’un contrôle sanitaire via des analyses sur les animaux avant réintroduction pour vérifier qu’ils ne sont pas porteurs de maladies transmissibles. Les maladies sont identifiables par l’observation, ce qui a permis à d’autres territoires d’être alerté ». Il tempère en rappelant que le projet est seulement dans une « phase d’information et de concertation. Il y a eu des réunions du comité de pilotage avec l’ensemble des partenaires, des réunions thématiques du territoire, il y aura des rencontres avec les élus locaux ». Si le Département ne souhaite pas « passer en force », il faudra néanmoins convaincre les acteurs du monde agricole.

Marine Martin

LA PAROLE DE LA FDSEA

Quels dommages pour l’agriculture ?

Bien qu’il n’en soit qu’à ses débuts, ce projet soulève de vives inquiétudes pour la FDSEA de l'Ardèche.

Dans une lettre adressée au président du Département, Olivier Amrane, et à son vice-président, Matthieu Salel, la présidente de la FDSEA, Christel Cesana, et son secrétaire général, Benoît Nodin, se questionnent au sujet de la pertinence du projet de réintroduction du chamois et du bouquetin en Ardèche. En effet, la FDSEA évoque le risque sanitaire de transmission de maladies comme la Brucellose, que pourraient porter les deux espèces. En Savoie, la contamination s’est propagée sur des troupeaux de bovins, ce qui a engendré l’abattage d'un cheptel afin de poursuivre le commerce au niveau national. Outre le surcoût financier engendré par les contrôles sanitaires pour les éleveurs de la zone, la FDSEA souligne également la particularité de la France, qui possède un statut officiellement indemne vis-à-vis de la Brucellose, et qui entend bien le garder, afin de continuer à exporter sa production. La deuxième inquiétude dont fait part le syndicat concerne les dégâts aux espèces végétales engendrés par ces deux types d’ongulés, notamment sur le niveau de fourrage destiné à nourrir les troupeaux d’élevages, mais aussi sur les autres produits agricoles. Les bouquetins et chamois ne se contentant pas d’uniquement brouter des plantes et autres baies sauvages. Pour toutes ces raisons, la FDSEA s'oppose à ce projet. De son côté, Matthieu Salel, l’assure : « Le but n’est pas de passer en force, nous concerterons tous les acteurs impliqués ».

M.M.

À quoi servent les ENS ?

Les espaces naturels sensibles (ENS) consistent à préserver la biodiversité, les milieux naturels et paysages afin de contribuer notamment à la préservation des risques climatiques à l’instar des crues. Crée par le Département, ces espaces permettent à celui-ci d’élaborer et de mettre en œuvre une politique de protection, de gestion et d’ouverture au public de ces espaces naturels.

Source Cerema