SANITAIRE
« Les solutions sont multiples et ne résolvent pas tout »

Propos recueillis par Anaïs Lévêque
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TROIS QUESTIONS À / Hélina Deplaude, conseillère spécialisée Châtaigne et petits fruits à la Chambre d’agriculture de l’Ardèche, sur la qualité sanitaire des vergers.

«  Les solutions sont multiples et ne résolvent pas tout »
La mortalité due à la maladie de l'encre reste importante en Ardèche.

Comment qualifier l'état sanitaire des châtaigneraies ardéchoises cette année ?

Hélina Deplaude : « L'état sanitaire des vergers est plutôt bon et l'état général des arbres est en moyenne plutôt correct cette année. Nous avons très peu d'incidence de cynips, à l'exception ponctuellement de la variété hybride Marigoule. C'est très positif, nous avons une très bonne régulation du cynips depuis 2018. Sur la maladie de l'encre dont la mortalité se révèle plus particulièrement avec la sécheresse, nous avons observé un petit peu moins de mortalité de châtaigniers en 2020 car c'était une année moins sèche.Néanmoins cette mortalité reste importante et pose un problème majeur car la maladie peut faire mourir progressivement l'ensemble d'un verger sans moyens de lutte. Nous observons aussi une incidence plus fréquente du chancre ces dernières années, particulièrement sur les jeunes plants et jeunes greffes, plus rarement sur des arbres adultes. C'est un problème en croissance globalement. » 

Quels sont les impacts sur la campagne 2020 ?

H.D. : « La production est assez variable cette année, satisfaisante dans l'ensemble, à nuancer toutefois pour les vergers impactés par la grêle en juin 2019 puis la neige en novembre. Nous continuons encore cette année de constater les dégâts causés par ces épisodes climatiques. Les volumes de production sur les parcelles les plus atteintes sont très réduits et peuvent ponctuellement ne pas dépasser 10 à 20 % d'une production normale. Les impacts sont assez localisés à l'échelle du département mais ils concernent souvent de grands vergers.

La sécheresse, quant à elle, a eu surtout des impacts dans le nord de l'Ardèche, très variables selon les vergers. Certains s'en sortent plutôt bien car ils sont sur sols profonds, sur des variétés un peu plus tardives, situés à l'ubac... Alors que d'autres ont été fortement atteints par la sécheresse au niveau du rendement ou du calibre des fruits. » 

Comment les producteurs peuvent-ils s'adapter face à des années de plus en plus sèches ?

H.D. : « Les solutions sont multiples et ne résolvent pas tout. Certaines d'entre elles sont encore en réflexion... L'élagage raisonné et raisonnable des arbres peut permettre de limiter les problèmes liés à la sécheresse, car un arbre qui a beaucoup de feuillage perdra plus d'eau et y sera plus sensible. Toutefois, cela dépend des sols, de l'arbre et de sa variété donc il faut effectuer un élagage adapté et raisonné. Autre solution envisageable : l'irrigation ponctuelle et raisonnée, en prenant beaucoup de précautions car l'irrigation peut poser plus de problèmes qu'en résoudre ! Sur des châtaigneraies anciennes par exemple, l'irrigation peut amener de l'encre et mettre en danger l'ensemble d'un verger. Il faut bien réfléchir avant de se lancer. 

Nous nous questionnons beaucoup sur les techniques culturales : gestion de la couverture des sols, de la densité des arbres, l'apport de matière organique... Ce sont des pistes de travail sur lesquels nous n'avons pas encore toutes les réponses mais qui combinées peuvent aider à améliorer l'état des arbres. Nous attendons des résultats et des données précises pour conseiller les producteurs. »

Sur quels points faut-il rester vigilant pour maintenir une bonne qualité sanitaire ?

H.D. : « En châtaigneraies traditionnelles, nous n'avons pas toutes les clés pour agir. Globalement, il faut éviter d'apporter l'encre, en étant très vigilant sur les transports de terre, l'irrigation, et bien réfléchir à la conception des nouveaux vergers avec des variétés et des porte-greffes qui ne craignent pas l'encre, qui sont mieux adaptées à des sols pauvres et à faible irrigation. Il faut aussi s'initier aux bonnes techniques culturales, sur la gestion des sols, l'élagage des arbres et leur fertilisation, ce qui leur permettra de mieux se maintenir, d'être plus vigoureux et résistants au stress hydrique. 

Il y a également la question de la pourriture, qui est très dépendante des conditions climatiques donc compliquée à gérer. Certaines pourritures sont favorisées par des températures assez élevées, ou encore la pluviométrie à certaines périodes. Nous cherchons actuellement des techniques qui permettent de réduire l'incidence du développement de ces pourritures, sur les vergers ou après la récolte une fois en conservation, d'autant plus que sur une année comme celle-ci et avec l'annulation/report des manifestations et marchés festifs, les producteurs ont besoin de conserver leurs châtaignes en bon état. »

Propos recueillis par Anaïs Lévêque

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