ÉLEVAGE
Filmer son troupeau en extérieur : un outil d’aide à la décision

Magdeleine Barallon
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Optimiser la saison de pâturage, assurer le bien-être animal, résoudre des problèmes inexpliqués… La vidéosurveillance dans les parcs est une assistance qui devient tendance. Témoignages de techniciens de Conseil Élevage.

Filmer son troupeau en extérieur : un outil d’aide à la décision
Deux caméras grand angle ont été installées sur chaque parc. ©Jérôme Gachet

Pour de multiples raisons, économiques, environnementales ou sociétales, les éleveurs laitiers choisissent de revenir au pâturage. Mais ce système demande organisation du parcellaire, gestion de la ressource, observation et réactivité pour qu’il réponde pleinement aux attentes de rendement des agriculteurs. « Nous constatons souvent que les performances laitières sont en baisse dès que la période de pleine pousse est passée », s’accordent à dire les initiateurs de l’étude, Jérôme Gachet et Antoine Roche de Haute-Loire Conseil Élevage. « Nous avons souhaité dresser un état des lieux des pratiques comportementales des animaux en pâturage et de leurs résultats associés. La vidéo permet d’objectiver les mesures. Les éleveurs sont plus réceptifs aux réflexions et aux constats s’ils voient leur troupeau à l’écran », témoignent-ils.

Pâturez, vous êtes filmés

Cette étude menée au cours de la saison 2020 portait sur seize exploitations situées dans la partie Est de la Haute-Loire, près d’Yssingeaux. Le but était de connaître le plus précisément possible le comportement de leurs vaches et les niveaux d’ingestion en cycles de pâture. Ces exploitations ont été réparties en trois groupes, selon leur conduite d’alimentation : la pâture 24 h, la demi-ration (pâturée et ration mélangée en complémentation à l’auge) et l’élevage dit économe avec pâture la journée et ration peu coûteuse (complémentation faible). L’étude sur 24 h a suivi le comportement des animaux, au pré comme en bâtiment. L’observation portait sur la Note d’état corporel (NEC), le remplissage du rumen ou encore l’état des membres. Les rations distribuées étaient également pesées et analysées pour mesurer la teneur en matière sèche. Les hauteurs d’herbe en entrée et en sortie de parcs ont aussi été mesurées, puis associées aux surfaces à disposition ainsi qu’aux densités prairiales. Deux caméras Time lapse1 grand angle, installées sur chaque parc, permettaient de surveiller l’intégralité de la surface, en particulier les points d’eau.

Le comportement au parc

Grâce à un pointage toutes les demi-heures, les vidéos des différents groupes ont capté, leur façon de s’alimenter et de s’abreuver. Parmi la grande quantité de données collectées, Antoine Roche et Jérôme Gachet ont relevé que le comportement et la valorisation du pâturage différaient selon la nature de la ration. Ce sont les animaux « 24 h herbe » qui ont affiché l’activité la plus homogène. « Nous avons aussi constaté que pour tous les groupes, les taux d’ingestions étaient surestimés. Au lieu des 19 à 20 kg de matière sèche espérés, le niveau s’établissait plutôt à 17 kg avec des disparités entre chaque groupe », précise Jérôme Gachet. « Cela explique une NEC inférieure à la NEC théorique attendue et des niveaux de production en baisse. Dans un contexte de recherche d’optimisation des performances techniques et économiques, cette étude démontre qu’il est indispensable de savoir créer des conditions favorables, afin d’offrir aux vaches une alimentation suffisante avec une valeur alimentaire maximum en respectant des règles fondamentales de gestion de l’herbe et de respect de la physiologie de l’animal. » Pour prolonger dans le temps cette analyse, cinq groupes en Haute Loire se retrouvent sur le terrain, tous les mois, pour échanger et ajuster leurs pratiques.

Magdeleine Barallon

1. Un time-lapse est une animation vidéo réalisée par une série de photographies prises à des moments différents pour présenter en un laps de temps court l'évolution de l'objet photographié sur une période longue.

Filmer son troupeau pour résoudre des problèmes inexpliqués

« L’installation de vidéo surveillance, par caméra time laps, qu’elle soit en bâtiment ou au pâturage, est une prestation assez onéreuse parce qu’elle demande beaucoup de temps d’interprétation et d’analyse des images », explique Franck Leroy, responsable expertise et innovation chez Avenir Conseil Élevage développement (départements du Nord, de l’Aisne, de la Somme et de l’Oise). « C’est un excellent outil d’information, une aide à la décision pour l’éleveur lorsque celui-ci rencontre une problématique dont il n’identifie pas la cause. Il ne doit être utilisé qu’en dernier lieu, lorsque toutes les autres pistes, fruit de l’observation de l’éleveur, ont été écartées. Nous faisons aussi appel à la vidéo pour surveiller le comportement des troupeaux, en cas de canicule, pour s’assurer du bien-être animal au pâturage. »

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Rémi Berthet d’ACSEL Conseil Élevage installe la vidéo surveillance à la demande d’un éleveur de l’Ain. ©DR